dimanche 21 juin 2015

L'ÂME DU CHASSEUR

l'âme du chasseur

The heart of the hunter - Deon Meyer - Little, Brown and Company - 2002

Edition française - Seuil - 2005


L'histoire

Thobela Mpayipheli s'est casé. A la colle avec Miriam et Pakamile. Le passé refait surface quand la fille d'un vieil ami vient lui demander de livrer un disque dur à un maître-chanteur anonyme qui dit tenir son père en otage.
Problème: le lieu de livraison est à Lusaka, en Zambie et le délai est de soixante-douze heures.
Problème: le chasseur devient une proie, un gibier recherché par une unité d'élite du gouvernement.
Et problème majeur: aucun des acteurs de cette chasse à l'homme ne semble connaître le pourquoi du comment ni même envisager le fin mot de l'histoire.

L'extrait: Van Heerden page 192

"Je ne crois pas qu'un homme puisse changer fondamentalement. Le mieux qu'on puisse faire, c'est de reconnaître la part de bien et de mal qui est en nous. Et de L'accepter. Parce qu'elle existe. Au moins en puissance.
on vit dans un monde où le bien est glorifié et le mal méconnu. On peut changer de point de vue, pas de nature.

Le personnage principal

THOBELA MPAYIPHELI a quarante ans au moment des faits (né en 1962). "C'est un noir imposant, grand et costaud": un mètre quatre-vingt-quinze pour cent à cent-vingt kilos.
Il est originaire du Ciskei, là ou autrefois les Xhosas régnaient en maîtres.
Thobela signifie "bien élevé" ou "respectueux" et Mpayipheli veut dire "celui qui combat sans cesse" ou guerrier.

A l'âge de quatorze ans, Thobela part plusieurs mois avec son oncle Senzeni et revient transfiguré par la haine et la violence. Il quitte définitivement le foyer familial en 1979. Un peu plus tard, son oncle est arrêté par la police secrète, battu à mort puis abandonné au bord d'une route.

Thobela rejoint la Lutte, nom donné au combat de l'ANC en exil jusqu'à la normalisation de 1991. Le MK ou "Umkhonto we Sizwe" est le bras armé de L'ANC (pour faire court). Il est envoyé en URSS pour suivre une formation militaire juste à côté de L'Afghanistan mais provoque de sérieux soucis en tuant presque un colosse soviétique qui l'avait défié au combat à mains nues.

Mais c'est en RDA que Thobela va devenir une machine à tuer. Formé à Odessa par Otto Müller pour devenir un des dix opérateurs chargés d'éliminer les agents du camp d'en face, il va se révéler comme étant un tireur d'élite hors pair capable de toucher une cible à plus de trois mille mètres. " P'tit savait manier les armes...un tireur d'élite comme j'ai jamais vu. Il était grand et fort et vraiment teigneux."

Son nom de code est "Umzingeli", le chasseur. Il va mener à bien ses dix-sept contrats en Europe et aux Etats-Unis dont celui sur un tueur de légende de la CIA. La chute du mur de Berlin le fait déménager à Paris où, ses ressources financières étant taries, il trouve un boulot d'homme à tout faire dans une boulangerie de Montmartre. Il en profite pour apprendre le français.

De retour au pays, désabusé comme pas mal d'autres combattants de l'ombre issus de L'ANC n'ayant pas trouvé leur place dans le nouvel organigramme de la nation arc-en-ciel, Thobela va travailler plus de six ans pour ORLANDO ARENDSE en tant qu'encaisseur chargé de récolter l'argent chez les dealers et menacer ceux qui auraient du mal à payer leur dû.

L'extrait: Orlando Arendse page 252

"C'était un guerrier. un combattant. Il y a trois cents ans, il aurait mené la charge contre ses ennemis, armé d'une lance et d'un bouclier, il aurait été celui qui atteint les lignes adverses quand ses camarades tombent autour de lui, celui qui continue de frapper jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que sang, sueur et dévastation."

C'est pendant "Les Soldats de L'Aube" que Thobela "P'tit" Mpayipheli apparaît, loué à Van Heerden par Orlando Arendse pour protéger sa mère et ses proches. A l'issue d'une fusillade où ils sont tous deux blessés, "P'tit" décide de se ranger et d'arrêter la violence. Avec l'argent récupéré à la fin de l'histoire, il achète une ferme et huit cent hectares de terrain près de l'endroit où il est né et a grandi.

Il vit de petits boulots, travaille comme factotum chez un concessionnaire BMW appelé Mother City Motorrad. Thobela se déplace d'ailleurs en moto une petite Honda Benly 200cm cube sous-dimensionnée par rapport à son gabarit. pour accomplir son "road-trip" il emprunte une BMW R1150 GS.

Les seconds rôles

Au début, c'est Jonathan "Johnny" Kleintjes qui semble être le déclencheur. Exilé en 1972 après des études de mathématiques appliquées à l'université du Cap, il intègre les rangs des combattants étrangers entraînés par les allemands de l'Est en RDA dès 1976 où il se spécialise dans le renseignement.

Kleintjes met sur pied les réseaux de L'ANC à Londres, Lusaka et Quibaxe en Angola. Avant 1992, il est responsable du réseau informatique des services de renseignements du MK/ANC. Après la réunification, on le charge d'intégrer les systèmes informatiques et les bases de données de la Lutte à ceux du régime. 

Il prend sa retraite en 1997 après la mort de sa femme atteinte d'un cancer. Sa fille Monica a eu un accident qui l'a privée de ses deux jambes. C'est elle qui contacte Thobela après que son père lui ait confié qu'il était la seule personne en qui il avait entièrement confiance.

JANINA MENTZ est aussi un déclencheur dans cette histoire mais pas de la même façon.
"Fille unique, elle a grandi à la campagne, brillé à l'université puis elle s'était lancé dans la politique où elle avait gravi les échelons du parti parce qu'elle était blanche et afrikaner. Elle s'était aussi mariée et avait divorcé en cours de route." Son QI est de 147, elle a deux filles: Lien a quinze ans, Lisette étant plus jeune.

Elle a monté un service de renseignements haut de gamme doublé d'une Unité de Réaction, un groupe de soldats d'élite équivalent au Swat américain ou au GIGN français, a mi-chemin entre groupe anti-terroriste et groupe d'intervention. Janina dirige une quarantaine de personnes et n'a d'ordres à recevoir et de comptes à rendre qu'a son directeur, lui-même directement sous tutelle du ministre concerné.

Mentz a recruté personnellement tous les membres de cette équipe dont TIGER MAZIBUKO, capitaine et chef de l'Unité de Réaction mise en place il y a de ça treize mois déjà mais qui pour l'instant n'a pas encore eu la moindre petite escarmouche à se mettre sous la dent; autant dire qu'ils remuent dans les brancards. C'est d'autant plus vrai pour Tiger qui veut, par ses actions, son engagement et son dévouement racheter la lâcheté de son père, ancien de la lutte qui, capturé et torturé, a livré les noms de tous ses camarades de combat. Il va transformer la recherche du "malabar à moto" en une chasse à l'homme très personnelle.

ALISON HEALY est une journaliste, chroniqueuse judiciaire au "Cape Times". C'est "...une femme bien en chair, toute en rondeurs moelleuses..." qui, grâce à une fuite policière, écrit le premier article concernant la recherche assidue d'un Xhosa sur une BMW volée. Ses sources lui viennent principalement de Nic, le policier chargé des relations publiques avec qui elle a eu une aventure longue de seize mois et qui ne cesse pas de la relancer mais sa rencontre avec Van Heerden va provoquer une attirance réciproque et passage à l'acte, Zatopek étant devenu, après "les Soldats de L'Aube", professeur de psychologie à l'université du Cap.

L'extrait: Thobela page 449

"Tu sais ce qu'est la vie? Un lent processus de désillusion. Elle te libère de tes illusions sur les autres. Au début, tu fais confiance à tout le monde, tu te découvres des modèles et tu te bats pour leur ressembler et ensuite, les uns après les autres, ils te déçoivent et ça fait mal, c'est un chemin douloureux... mais maintenant je sais.
C'est parce qu'avec chaque espoir qui meurt un peu plus en toi, avec chaque nouvelle désillusion, chaque fois que quelqu'un te déçois, tu te déçois toi-même.

L'enquête

Si on prend le terme presque à la lettre, on peut dire qu'il y a plusieurs enquêtes conjointes mais que l'action principale est une chasse à l'homme. Il y a enquête quand la police, pressée par les médias, réactive les recherches concernant le cambriolage, il y a une enquête de la part du service de Janina Mentz pour connaître un peu plus précisément qui est le grain de sable appelé Thobela qui s'est glissé dans les rouages.

Une conjonction d'évènements apparemment sans liens les uns avec les autres va amener Mpayipheli à rendre service à un vieil "ami", la fille de celui-ci ayant reçu un coup de téléphone lui ordonnant de ramener un disque dur contenant des informations confidentielles à Lusaka en Zambie. Mais ce vieil ami est surveillé par les renseignements qui ont aussi mis sur écoute sa fille Monica, celle-là même qui va solliciter l'aide de Thobela.

Alors quand l'occasion de l'appréhender en douceur à l'aéroport se solde par la neutralisation des agents et la fuite du suspect (c'est d'ailleurs sa fuite qui le rend suspect), c'est une chasse à l'homme qui se met en place. Déséquilibrée car Thobela ne sait rien de ce qu'il doit convoyer alors que Janina Mentz, responsable de toute l'opération, a à sa disposition toutes les ressources militaires et informatiques et qu'elle seule a l'air de savoir ce que le puzzle représentera une fois terminé.

Thobela emprunte une moto chez le concessionnaire où il travaille pour rallier la frontière au nord.
Pendant qu'il essaie de dompter tant bien que mal son engin mécanique et d'improviser son itinéraire en fonction des barrages policiers et militaires, le nom de code d'un personnage important de la lutte zouloue pour l'indépendance apparaît. Or parmi les nouveaux les nouveaux gouvernants du pays siègent plusieurs anciens membres de cette organisation jugée encore plus extrémiste que l'ANC de Mandela. Et cet "Inkululelo" est-il réellement une taupe jouant double voire triple jeu avec les américains, les sud-africains et les russes.

Les investigations demandées par Janina Mentz concernant l'identité du Xhosa à la BMW n'aboutissent pas immédiatement mais au gré des révélations, le doute subsiste quant à sa "conversion" vers le bien après tant d'années de crimes et de violence. Elle ne comprend pas la vraie nature de sa fuite en avant, de sa loyauté sans faille envers un ancien ami qu'il n'a plus vu depuis des années. D'autant plus qu'elle se sent entièrement responsable de ce qui arrive car elle a organisé le double jeu de Johnny Kleintjes sans rien savoir de son amitié ni de l'existence de Thobela Mpayipheli.

Le retournement du vieil agent conjugué à la mort de Miriam dans les locaux de l'Unité de Renseignements va redistribuer les cartes et modifier les enjeux. L'agent responsable de la fuite qui a causé la mort de celle-ci est immédiatement congédié. Il a compris la vraie nature de cette chasse à l'homme et parce qu'il n'a pas pu sauver la mère, va essayer de sauver le fils en l'amenant au journal où travaille Alison Healy.

Pendant ce temps, à Lusaka, le cadavre de Johnny Kleintjes est découvert dans une chambre d'hôtel par une équipe de Janina Mentz. Tout se précipite. Thobela a pris en otage uyn hélicoptère et ses six occupants de l'UR pour passer la frontière. Janina lance Tiger Mazibuko à ses trousses , en pays étranger, sans couverture légale, pour l'éliminer. Mais la médiatisation de l'affaire due en grande partie à la pugnacité d'Alison Healy aidée de Van Heerden va faire capoter l'affaire.









jeudi 11 juin 2015

LES SOLDATS DE L'AUBE

Les soldats de l'aube

Dead at Daybreak - Deon Meyer - Hodder and Stoughton - 2000

Edition française - Seuil - 2003

L'histoire

Zatopek Van Heerden est un ancien flic des Vols et Homicides. Au bout du rouleau. Alors quand un ami avocat vient le sortir de cellule après une bagarre dans un bar et lui demande un petit service en échange, il est loin de se douter que le testament qu'il doit retrouver en moins de huit jours pour le compte d'une avocate est le fruit empoisonné d'une affaire vieille de plus de vingt mêlant des militaires et la CIA dans des opérations anti-guérilla.

Mais quel est le rapport entre un cambriolage avec tortures au chalumeau et exécution au fusil d'assaut M16 et le testament d'un négociant en antiquités menant une vie bien paisible?
Sept jours de délai, sept jours pour remonter loin dans son passé afin d'essayer de comprendre qui est-il réellement.

L'extrait: page 230

"Il s'en était remis. Il avait fait ce qu'il fallait pour s'en sortir. Et s'était retrouvé du bon côté de la vie lorsque deux, presque trois ans plus tard, la douleur étant contenue, seule lui était restée la connaissance de soi. La connaissance de soi et ce qui en découlait: rien ni personne ne comptait, l'humanité n'était faite que de brutes et d'êtres primitifs qui passaient leur temps à manipuler les autres et, sous les apparences d'un comportement civilisé, ne faisaient jamais que lutter pour survivre... Tout le monde était mauvais. Mais les trois-quart des gens n'avaient pas l'occasion de s'en apercevoir.
Et voilà que sa mère voulait qu'il fasse ce qu'il fallait. Survivre, c'était ça qu'il fallait faire. S'assurer que personne n'allait faire chier."

Le personnage principal

ZATOPEK van HEERDEN a trente-huit ans. Vu le prénom, les gens l'appellent plutôt par son nom de famille ou par le diminutif "Zet" pour les intimes. il doit ce prénom à son père, Emile Van Heerden, qui admirait le coureur de fond tchécoslovaque triple médaillé en or aux JO de Helsinki en 1952.

Son père est mineur, travaillant à l'extraction du diamant brut mais sera emporté par un éboulement alors que Zatopek est âgé de six ans: un peu râpé pour la figure et présence paternelle!
Sa mère, artiste peintre renommée dont les tableaux se vendent un peu partout dans le monde, a éduqué son fils dans l'amour des belles choses telles que la musique classique et Mozart en particulier.

Il possède une Toyota Corolla et habite une petite maison sise non loin du domaine plus vaste où réside sa mère qui, parallèlement à son activité artistique, s'occupe d'un élevage de chevaux. De temps en temps Zet, très bon cuisinier, mijote un petit repas pour un dîner en tête à tête avec sa mère.

La description des scènes de sexe est assez explicite chez Deon Meyer. Dans ce roman, pour bien comprendre l'état d'esprit de Van Heerden, le récit de son enquête sur le testament alterne avec des chapitres flash-back où Zatopek s'adresse au lecteur pour lui raconter sa vie. Et l'on apprend tout de sa découverte des mystères puis des plaisirs de l'amour et du sexe révélés avec pas mal de détails, des évènements marquants modifiant sa vie qui sont liés à sa découverte du sexe.

Lors de cette période pré-adolescente aux hormones en folie, il fantasme particulièrement sur sa voisine, une femme mariée d'une trentaine d'années qu'il a surpris et épié alors qu'elle se masturbait dans son jardin tout en prenant un bain de soleil. Sa mort horrible et cruelle sera un élément déclencheur majeur dans sa décision de rentrer dans la police.

Van Heerden passe deux ans en uniforme et en profite pour suivre des cours du soir, non pour devenir inspecteur (la promotion habituelle) mais pour le concours de criminologie et sciences de la police.
Il effectuera même un stage à Quantico, Virginie, USA.

Étant devenu chercheur universitaire, il reprends une vieille affaire pour en tirer un mémoire de thèse, découvre des indices non exploités auparavant qui le mènent en Australie ou il débusque, aidé par les flics du cru, un tueur en série (37 victimes) appelé "L'assassin au Scotch crêpé". il devient connu aussi bien en Australie qu'en Afrique du Sud où WILLIE THEAL, patron des Vols et Homicides l'enjoint de rallier ses rangs et de bosser à la criminelle.

Van Heerden va donc rencontrer et travailler avec TONY "Nougat" O'GRADY et MAT JOUBERT, deux inspecteurs qu'il retrouve dans ce livre lors de l'enquête du testament. Étant piètre tireur, il ne supporte pas les scènes de crime, vomissant chaque fois, ce qui lui vaut des petites piques de la part de ses collègues.

Petites piques qui ne sont que caresses comparées aux torrents d'ironie et de condescendance doublée de pure méchanceté dont l'abreuve son mentor à la criminelle, WILLEM NAGEL. C'est le meilleur professionnellement mais humainement il est détestable: il est plein de flatuosités ( il pète tout le temps et partout), sexiste, raciste, coureur de jupons, vantard et m'as-tu-vu.

Et pour Zatopek, ce qui va provoquer sa profonde déprime et sa démission de chez les flics est à mettre sur le compte de sa sexualité et de son attirance pour la gente féminine. Nagel est marié mais garde jalousement sa femme à la maison, lui interdisant de travailler et vérifiant souvent par téléphone qu'elle n'est pas sortie de la maison.

Lors de leur rencontre, c'est le coup de foudre réciproque et l'histoire d'amour durera jusqu'à la mort de Nagel alors qu'ils essaient d'interpeller "le tueur au ruban rouge", un homme suspecté du meurtre de dix-sept prostituées. Pendant la fusillade, son inaptitude au tir l'a empêché de pouvoir défendre son collègue. Van Heerden en nourrira une rancoeur féroce à l'égard de tout membre du corps médical car à l'hôpital, l'urgence fait passer le tueur en premier sur le billard: il en réchappera, pas Nagel.

Les seconds rôles

Zet Van Heerden a travaillé plusieurs années au département des Vols et Homicides; il a donc rencontré et côtoyé nombre de flics déjà cités dans "Jusqu'au dernier".
Le capitaine Mat Joubert, "héros" du précédent roman, intervient assez activement pour soutenir l'action de la police et pour défendre "Nougat" O'Grady qui a eu la responsabilité de l'enquête sur le cambriolage suivi de tortures puis de meurtre. Joubert évoque aussi son mariage proche avec MARGARET WALLACE, La femme d'une victime du tueur au Mauser rencontrée dans "Jusqu'au dernier".

BART De WIT et Willie Theal, actuel et ancien chef du service des homicides sont plus discrètement cités. C'est aussi le cas de KEMP, dont on ne connaît pas le prénom et dont on se dit qu'il pourrait bien être celui qui tire les ficelles de cette affaire. Kemp, avocat et ami qui lui demande de contacter une avocate, ancienne collègue passée dans le privé: "Il était grand, fort et bien propre sur lui dans sa veste sport."

Cette avocate, HOPE BENEKE, trente ans, plutôt jolie, va avoir des rapports assez particuliers avec Van Heerden, une relation empreinte de défiance et de réserve au début qui évoluera positivement quand les évènements marquants qu'ils subiront les lieront dans l'adversité et la violence.

Comme Zatopek ne peut compter sur l'aide de la police, ses anciens collègues soucieux de garder un peu d'avance dans son enquête, il est obligé de faire appel à ORLANDO ARENDSE, parrain des gangs du Cap, pour obtenir des armes, une protection rapprochée ainsi que des tuyaux concernant le blanchiment d'argent et le trafic de diamants.

C'est ainsi que THOBELA MPAYIPHELI dit "P'tit" devient dans la dernière partie du livre son compagnon d'enquête et son bras armé. C'est un homme de main employé par Orlando après que la réconciliation nationale ait amnistié tous les anciens "terroristes" de l'ANC. En Effet, "P'tit" s'est enrôlé très jeune dans la Lutte, apprenant le tir et les tactiques en URSS dans des camps militaires soviétiques proches de l'Afghanistan.

Deon Meyer cite quelques unes des nombreuses ethnies/tribus qui composent l'Afrique du Sud et alentours: les deux plus importantes en nombre sont les Zoulous et les Xhosas. Nelson Mandela, Miriam Makeba, Desmond Tutu entre autres sont d'origine Xhosa. Il cite aussi les Tswanas, les Sothos, les Vendas, les Sepedis et les Tshivendas.

Ceci pour bien faire comprendre au lecteur la complexité des rapports non seulement entre les blancs et les noirs mais également la subtilité des différences à l'intérieur d'une même "couleur". Et quand on ajoute les immigrés venus de plus haut en Afrique ou de plus loin du côté de l'océan Indien ou de l'Asie, venus pour certains depuis plusieurs générations, des fois avant même avant l'instauration de la loi d'apartheid. Pour couronner le tout L'Afrique du Sud compte onze langues officielles et trois capitales: Pretoria est la capitale administrative, Le Cap est la capitale législative et Bloemfontein la capitale judiciaire.

L'enquête

Dans les deux premiers romans, l'auteur double l'intérêt du lecteur (pour l'embrouiller), grâce à deux enquêtes conjointes dans "Jusqu'au dernier" et deux histoires distinctes, l'une étant la prequel de l'histoire contemporaine racontée. Similitude aussi avec la personnalité troublée, presque au bout du rouleau du personnage principal rongé par le doute et la culpabilité.

Le chapitrage des évènements contemporains est un compte à rebours journalier.

Jeudi 6 juillet: septième jour


Van Heerden émerge au petit matin dans une cellule après une soirée dans un bar qui a dégénéré en bagarre. Kemp, son ami et avocat vient le récupérer sans charges retenues contre lui en échange d'un "petit service" à rendre à une ex-collègue.
Sa cliente doit retrouver un testament dérobé il y a dix mois lors d'un cambriolage suivi du meurtre du maître des lieux d'une balle de M16  dans la nuque après avoir été torturé à la lampe à souder.

Vendredi 7 juillet: sixième jour

Zatopek commence à fouiller dans le passé de la victime, s"embrouille avec l'avocate Hope Beneke, lâche l'affaire mais un indice va le faire revenir sur sa décision: la victime avait une fausse identité, certainement à cause d'un passé à oublier, à effacer.

Samedi 8 juillet: cinquième jour

Van Heerden continue de lutter contre ses démons, partagé entre l'envie dévorante de trouver la vérité et le découragement. Il termine la journée en cassant la gueule d'un médecin alors qu'il était invité à une réception. Il ne faut pas dire du mal de Mozart devant lui.

Dimanche 9 juillet: quatrième jour

Malgré le bordel créé par Van Heerden, un compromis est trouvé et un article paraît dans les principaux journaux pour essayer de joindre des personnes qui auraient connu la victime avant son changement d'identité.

Lundi 10 juillet: troisième jour

La diffusion dans les médias de l'avis de recherche permet une avancée dans l'enquête: l'identité véritable de la victime, reconnue dans l'avis par sa mère mais aussi par un inconnu qui a l'air de savoir très précisément ce qui s'est passé et ce qui risque de se passer.
Les flics s'en mêlent, Joubert, O'Grady et De Wit reprochant à leur ex-collègue de les avoir traînés dans la boue à cause des articles de presse très critiques quant à l'efficacité de la police dans cette histoire.

Mardi 11 juillet: deuxième jour

L'affaire commence à avoir des implications politico-militaires. Une injonction du tribunal oblige Beneke et Van Heerden d'arrêter leurs recherches et de livrer tous les documents en leur possession. Pendant le transfert au poste de police , ils sont attaqués et le major qui l'accompagnait meurt dans "l'accident".

Mercredi 12 juillet: premier jour

Un consensus négocié entre Van Heerden, les forces de police et le renseignement militaire lui permet de continuer tout en se limitant à la recherche du testament. Ayant été menacé dans l'accident, il s'organise pour protéger ses proches.

Jeudi 13 juillet: jour J

Un appel anonyme révèle l'endroit où est supposé se trouver l'homme qui à menacé Van Heerden en lui mettant un pistolet sur la tempe lors de l'accident, personnage-clé supposé de l'affaire. Mais l'armée le grille sur ce coup-là, l'homme est déjà mort, une mort qui n'est qu'une diversion permettant d'amoindrir la protection rapprochée dont bénéficient ses proches quand la maison de Joan Van Heerden est prise d'assaut par quatre hommes armés.  
Trois d'entre eux sont tués, un quatrième grièvement blessé à coup de bêche. un autre cadavre est découvert par Van Heerden, décidé à jouer franc-jeu, ou presque, avec ses anciens collègues flics pour griller les hommes du renseignement militaire.






lundi 1 juin 2015

JUSQU'AU DERNIER

Jusqu'Au Dernier

Dead before dying - Deon Meyer - Hodder and Stoughton 1999

Edition française - Seuil 2002


L'histoire


Dans son salon, Mat Joubert pense à la mort. Un deuil personnel survenu un peu plus de deux ans auparavant le mine, comme la mort dont il est le témoin quotidien, celui qui annonce la mauvaise nouvelle aux proches du ou de la défunte, celui qui va essayer de trouver qui a commis cela, étant inspecteur à la criminelle du Cap.
Ça ne s'arrange pas avec la nomination à la tête du service des Vols et Homicides d'un noir, Bart De Wit, qui plus est ex-membre de l'ANC. Et en plus, la fille de ses voisins s'entiche de lui au point de lui faire des propositions sans équivoque aucune.
Côté travail, ça ne chôme pas: attaques de banques à main armée, sans violence, mais surtout une série de meurtres commis avec un pistolet Mauser plus que centenaire.

L'extrait: Mat Joubert page 409 




"On ne vit que dans sa tête à soi. Comme des prisonniers. Même quand on a les yeux tournés vers le dehors, c'est juste là-dedans qu'on vit, à l'intérieur de son crâne. De fait,on ne sait rien. On vit avec d'autres gens, tous les jours, et on croit les connaître parce qu'on les voit. Et on croit aussi qu'ils vous reconnaissent parce qu'ils vous voient. Mais personne ne sait rien."


Le personnage principal

MARCUS ANDRES TOBIAS JOUBERT, dit Mat Joubert, est flic à la Brigade des Vols et Homicides, capitaine à l'âge de trente-quatre ans bien qu'ayant commencé sa carrière au plus bas de l'échelle comme flic en uniforme dans la rue. Ses deux parents sont morts. Son père est un ancien flic haut-gradé raciste et macho. Son arme de service est un pistolet Vektor Z 88, l'arme de poing qui équipe la police sud-africaine depuis les années 1990. Cette arme est une copie sous licence du Beretta 92F dont la capacité est de quinze balles de 9mm Parabellum.
Sa description physique n'apparaît qu'à mi-livre quand un témoin voit arriver "un costaud aux cheveux bien trop longs et trop sales pour qu'il puisse s'agir d'un inspecteur". Son apparence, son laisser-aller sont entretenus par ses quinze kilos en trop, un taux de cholestérol super élevé du en grande partie à sa source principale de nourriture chez KFC.

Joubert est également fumeur, Winston puis Benson and Hedges Special Mild quand il se met à la natation, sport qu'il avait pratiqué plus jeune par opposition à son père: "Le rugby c'est pour les hommes, la natation c'est pour les fillettes."

Au rayon alcool, Mat boit de la bière Castle principalement, une lager commercialisée en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Kenya. Quand il commence à suivre un régime alimentaire, il décide d'abord d'arrêter de fumer avant de se raviser et de décréter un rationnement draconien: trois cigarettes par jour agrémentées d'un petit whisky, ce breuvage remplaçant la bière.

Joubert aime lire, principalement de la science-fiction, et se tient au courant via son libraire attitré des nouveautés sorties dans ce domaine. Il socialise quand même avec ses voisins à l'occasion de barbecues. C'est d'ailleurs à l'occasion de l'un d'eux, au début du roman, chez son voisin entrepreneur de pompes funèbres (croque mort quoi!) qu'il se fait draguer outrageusement par la fille de celui-ci.
Malgré ses réticences, le presque hasard et l'assiduité zélée de l'adolescente vont le faire craquer... ou presque.

Mais le problème de Mat Joubert, c'est la perte de sa femme Lara, flic comme lui, rencontrée lors d'un dîner arrangé par un collègue. Lors d'une mission d'infiltration pour les Stups, sa couverture est grillée et elle est exécutée. Le malaise qui transparaît dès le début du livre est un sentiment de culpabilité lié au drame mais qui ne sera révélé que plus tard, conjugué au quotidien sordide de tout inspecteur de la criminelle, son accumulation de cadavres, de scènes de crime.

Inconsolable depuis plus de deux ans, il n'a pas eu de relations sexuelles avec une autre femme avant de se faire "attaquer" par sa jeune voisine. Cette "aventure" réveille paradoxalement sa libido bien qu'il cherche à contenir ses pulsions, contexte et différence d'âge oblige. Ses séances obligatoires chez la psychologue Hannah Nortier le troublent également sexuellement alors que l'approche patient-docteur reste très formelle, Mat refusant de parler de l'évènement déclencheur.
Il aura aussi à subir les avances d'une criminologue renommée, spécialiste des serial-killers, à l'occasion d'une entrevue concernant les meurtres au Mauser.


Les seconds rôles

L'arrière-plan politique et social de l'Afrique du Sud n'est pas qu'une toile de fond pittoresque mais un état des lieux changeant, comme le rapport de forces entre anciens dominants (afrikaners, blancs) et dominés (ethnies de couleur et immigrés). Les postes-clés dans l'administration ne sont plus uniquement tenus par des blancs. Mat Joubert voit arriver un nouveau chef de service, noir, ancien de l'ANC: BART de WIT.

Il est petit, maigre, des cheveux noirs peu fournis sur le devant et à l'arrière de la tête. Son nez a la forme d'un bec d'oiseau et la grosse veine à la frontière du nez et de la joue lui valent des surnoms peu gratifiants derrière son dos. De plus, sa voix est nasillarde et suraiguë. Il est marié et a deux enfants.

Le chef de service de Mat est GERBRAND VOS, capitaine, qui selon les standards du chef De Wit affiche quinze kilos en trop.

Le meilleur pour la fin: BENNY GRIESSEL. Taille moyenne, visage slave et nez cassé. Séparé de sa famille, il aimerait bien se remettre avec sa femme et ses deux enfants déjà adolescents.
Légèrement raciste, plus par ignorance que par conviction, il affiche sept ans à la criminelle pour un grade de sergent-inspecteur aux résultats plus que corrects malgré un alcoolisme qui le dessert. Il arrive chez Mat au plus mauvais moment, bourré, dépressif et suicidaire. Joubert le place illico dans un centre de désintoxication. Lors de sa première visite, Mat trouve Benny sanglé sur son lit, en plein délire, criant de douleur et proie à de terribles hallucinations.Plus tard, quand les crises auront cessé, Mat remettra Benny sur les rails en lui confiant la responsabilité de l'enquête sur les attaques de banques, l'affaire "Monsieur Mon Coeur".


Les Enquêtes

Pour faire riche et embrouiller un peu le lecteur, Deon Meyer propose deux enquêtes dans ce roman,
tant bien même qu'au début on peut se laisser tenter de relier les deux affaires, aiguillé en cela par les doutes des inspecteurs conjugués aux suppositions et aux questions des médias.
Comme les meurtres sont nettement plus spectaculaires que les braquages, médiatiquement parlant, c'est l'inspecteur "vedette" Joubert qui s'en charge, menant conjointement les deux affaires jusqu'à ce que sa conviction profonde que les enquêtes ne sont pas liées entre elles et que la forme physique renaissante de Griessel lui permette d'imposer et de mettre devant le fait accompli ses supérieurs les capacités de Benny à résoudre l'affaire "Monsieur Mon Coeur".

Cette affaire est appelée ainsi car dans le modus operandi, un homme seul entre dans une banque, toujours la même compagnie,se dirige vers le guichet, là ou se trouve généralement une jeune employée et très poliment, sans menaces autres que de se servir du pistolet caché dans sa veste, demandant même quel parfum porte la jeune fille, se fait remplir un sac de billets et s'en va.

Lors de la troisième attaque, déguisé en sosie d'Elvis, il échoue car il effraie la caissière en évoquant le fait qu'il pourrait être le tueur au Mauser. Plus tard, fâché qu'on puisse le confondre avec celui-ci, il braque une banque d'une compagnie différente en laissant un message à l'attention de Joubert qu'il a vu à la télé lors d'une conférence de presse.

L'enquête du tueur au Mauser débute quand un homme est retrouvé mort à côté de sa voiture dans le parking d'un Holiday Inn, une balle en pleine face et une deuxième dans le crâne pour l'achever. Le calibre des douilles retrouvées près du corps laisse au départ à penser qu'il pourrait s'agir d'un meurtre à connotation politique.

Quelques jours plus tard un autre homme est tué selon la même méthode devant chez lui. L'analyse balistique oriente les inspecteurs sur la piste d'un Tokarev russe avant d'aboutir au Mauser, un gros pistolet vieux de plus d'un siècle, chargeur situé sous le canon devant le pontet de détente, une arme utilisée par les boers principalement.

Un changement intervient lors du troisième meurtre car le Mauser s'enraye et le deuxième tir est effectué avec un Smith and Wesson 22LR Escort, une arme de femme. Un autre petit "détail" intrigant lors du quatrième meurtre va accélérer et réorienter l'enquête: le deuxième coup de feu atteint le pénis de la victime. Le cinquième homme tué selon le M.O. habituel n'apporte rien de plus à Joubert qui a déjà compris quels étaient les liens enfouis dans les souvenirs et la culpabilité qui unissaient ces victimes.


Le Mauser "Broomhandle"

Le Mauser est dit "Broomhandle" (manche à balai) quand la crosse du pistolet est prolongée par une crosse en bois pour pouvoir tirer comme avec un fusil.
C'est un Mauser de type C96 (Construktion 96) fabriqué par Mauser en Allemagne à partir de 1896 jusqu'en 1937.
Le modèle original utilise des munitions de calibre 7,63. Des modifications et améliorations ultérieures permettront d'utiliser le calibre 9mm Parabellum, la version chinoise du 45 ACP et des modèles plus rares comme le 9mm Mauser Export et 8mm Gasser. La portée efficace est de 150 à 200m maximum.
Winston Churchill l'appréciait tout particulièrement, comme Lawrence d'Arabie d'ailleurs.
Durant la guerre civile russe, les commissaires bolcheviks en possédaient pratiquement tous un en signe de leadership.
C'est le pistolet qui a servi de modèle au flingue de Han Solo dans Star Wars. On en voit aussi dans les histoires de Hugo Pratt quand le héros Corto Maltese se rend en Russie.