lundi 1 juin 2015

JUSQU'AU DERNIER

Jusqu'Au Dernier

Dead before dying - Deon Meyer - Hodder and Stoughton 1999

Edition française - Seuil 2002


L'histoire


Dans son salon, Mat Joubert pense à la mort. Un deuil personnel survenu un peu plus de deux ans auparavant le mine, comme la mort dont il est le témoin quotidien, celui qui annonce la mauvaise nouvelle aux proches du ou de la défunte, celui qui va essayer de trouver qui a commis cela, étant inspecteur à la criminelle du Cap.
Ça ne s'arrange pas avec la nomination à la tête du service des Vols et Homicides d'un noir, Bart De Wit, qui plus est ex-membre de l'ANC. Et en plus, la fille de ses voisins s'entiche de lui au point de lui faire des propositions sans équivoque aucune.
Côté travail, ça ne chôme pas: attaques de banques à main armée, sans violence, mais surtout une série de meurtres commis avec un pistolet Mauser plus que centenaire.

L'extrait: Mat Joubert page 409 




"On ne vit que dans sa tête à soi. Comme des prisonniers. Même quand on a les yeux tournés vers le dehors, c'est juste là-dedans qu'on vit, à l'intérieur de son crâne. De fait,on ne sait rien. On vit avec d'autres gens, tous les jours, et on croit les connaître parce qu'on les voit. Et on croit aussi qu'ils vous reconnaissent parce qu'ils vous voient. Mais personne ne sait rien."


Le personnage principal

MARCUS ANDRES TOBIAS JOUBERT, dit Mat Joubert, est flic à la Brigade des Vols et Homicides, capitaine à l'âge de trente-quatre ans bien qu'ayant commencé sa carrière au plus bas de l'échelle comme flic en uniforme dans la rue. Ses deux parents sont morts. Son père est un ancien flic haut-gradé raciste et macho. Son arme de service est un pistolet Vektor Z 88, l'arme de poing qui équipe la police sud-africaine depuis les années 1990. Cette arme est une copie sous licence du Beretta 92F dont la capacité est de quinze balles de 9mm Parabellum.
Sa description physique n'apparaît qu'à mi-livre quand un témoin voit arriver "un costaud aux cheveux bien trop longs et trop sales pour qu'il puisse s'agir d'un inspecteur". Son apparence, son laisser-aller sont entretenus par ses quinze kilos en trop, un taux de cholestérol super élevé du en grande partie à sa source principale de nourriture chez KFC.

Joubert est également fumeur, Winston puis Benson and Hedges Special Mild quand il se met à la natation, sport qu'il avait pratiqué plus jeune par opposition à son père: "Le rugby c'est pour les hommes, la natation c'est pour les fillettes."

Au rayon alcool, Mat boit de la bière Castle principalement, une lager commercialisée en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Kenya. Quand il commence à suivre un régime alimentaire, il décide d'abord d'arrêter de fumer avant de se raviser et de décréter un rationnement draconien: trois cigarettes par jour agrémentées d'un petit whisky, ce breuvage remplaçant la bière.

Joubert aime lire, principalement de la science-fiction, et se tient au courant via son libraire attitré des nouveautés sorties dans ce domaine. Il socialise quand même avec ses voisins à l'occasion de barbecues. C'est d'ailleurs à l'occasion de l'un d'eux, au début du roman, chez son voisin entrepreneur de pompes funèbres (croque mort quoi!) qu'il se fait draguer outrageusement par la fille de celui-ci.
Malgré ses réticences, le presque hasard et l'assiduité zélée de l'adolescente vont le faire craquer... ou presque.

Mais le problème de Mat Joubert, c'est la perte de sa femme Lara, flic comme lui, rencontrée lors d'un dîner arrangé par un collègue. Lors d'une mission d'infiltration pour les Stups, sa couverture est grillée et elle est exécutée. Le malaise qui transparaît dès le début du livre est un sentiment de culpabilité lié au drame mais qui ne sera révélé que plus tard, conjugué au quotidien sordide de tout inspecteur de la criminelle, son accumulation de cadavres, de scènes de crime.

Inconsolable depuis plus de deux ans, il n'a pas eu de relations sexuelles avec une autre femme avant de se faire "attaquer" par sa jeune voisine. Cette "aventure" réveille paradoxalement sa libido bien qu'il cherche à contenir ses pulsions, contexte et différence d'âge oblige. Ses séances obligatoires chez la psychologue Hannah Nortier le troublent également sexuellement alors que l'approche patient-docteur reste très formelle, Mat refusant de parler de l'évènement déclencheur.
Il aura aussi à subir les avances d'une criminologue renommée, spécialiste des serial-killers, à l'occasion d'une entrevue concernant les meurtres au Mauser.


Les seconds rôles

L'arrière-plan politique et social de l'Afrique du Sud n'est pas qu'une toile de fond pittoresque mais un état des lieux changeant, comme le rapport de forces entre anciens dominants (afrikaners, blancs) et dominés (ethnies de couleur et immigrés). Les postes-clés dans l'administration ne sont plus uniquement tenus par des blancs. Mat Joubert voit arriver un nouveau chef de service, noir, ancien de l'ANC: BART de WIT.

Il est petit, maigre, des cheveux noirs peu fournis sur le devant et à l'arrière de la tête. Son nez a la forme d'un bec d'oiseau et la grosse veine à la frontière du nez et de la joue lui valent des surnoms peu gratifiants derrière son dos. De plus, sa voix est nasillarde et suraiguë. Il est marié et a deux enfants.

Le chef de service de Mat est GERBRAND VOS, capitaine, qui selon les standards du chef De Wit affiche quinze kilos en trop.

Le meilleur pour la fin: BENNY GRIESSEL. Taille moyenne, visage slave et nez cassé. Séparé de sa famille, il aimerait bien se remettre avec sa femme et ses deux enfants déjà adolescents.
Légèrement raciste, plus par ignorance que par conviction, il affiche sept ans à la criminelle pour un grade de sergent-inspecteur aux résultats plus que corrects malgré un alcoolisme qui le dessert. Il arrive chez Mat au plus mauvais moment, bourré, dépressif et suicidaire. Joubert le place illico dans un centre de désintoxication. Lors de sa première visite, Mat trouve Benny sanglé sur son lit, en plein délire, criant de douleur et proie à de terribles hallucinations.Plus tard, quand les crises auront cessé, Mat remettra Benny sur les rails en lui confiant la responsabilité de l'enquête sur les attaques de banques, l'affaire "Monsieur Mon Coeur".


Les Enquêtes

Pour faire riche et embrouiller un peu le lecteur, Deon Meyer propose deux enquêtes dans ce roman,
tant bien même qu'au début on peut se laisser tenter de relier les deux affaires, aiguillé en cela par les doutes des inspecteurs conjugués aux suppositions et aux questions des médias.
Comme les meurtres sont nettement plus spectaculaires que les braquages, médiatiquement parlant, c'est l'inspecteur "vedette" Joubert qui s'en charge, menant conjointement les deux affaires jusqu'à ce que sa conviction profonde que les enquêtes ne sont pas liées entre elles et que la forme physique renaissante de Griessel lui permette d'imposer et de mettre devant le fait accompli ses supérieurs les capacités de Benny à résoudre l'affaire "Monsieur Mon Coeur".

Cette affaire est appelée ainsi car dans le modus operandi, un homme seul entre dans une banque, toujours la même compagnie,se dirige vers le guichet, là ou se trouve généralement une jeune employée et très poliment, sans menaces autres que de se servir du pistolet caché dans sa veste, demandant même quel parfum porte la jeune fille, se fait remplir un sac de billets et s'en va.

Lors de la troisième attaque, déguisé en sosie d'Elvis, il échoue car il effraie la caissière en évoquant le fait qu'il pourrait être le tueur au Mauser. Plus tard, fâché qu'on puisse le confondre avec celui-ci, il braque une banque d'une compagnie différente en laissant un message à l'attention de Joubert qu'il a vu à la télé lors d'une conférence de presse.

L'enquête du tueur au Mauser débute quand un homme est retrouvé mort à côté de sa voiture dans le parking d'un Holiday Inn, une balle en pleine face et une deuxième dans le crâne pour l'achever. Le calibre des douilles retrouvées près du corps laisse au départ à penser qu'il pourrait s'agir d'un meurtre à connotation politique.

Quelques jours plus tard un autre homme est tué selon la même méthode devant chez lui. L'analyse balistique oriente les inspecteurs sur la piste d'un Tokarev russe avant d'aboutir au Mauser, un gros pistolet vieux de plus d'un siècle, chargeur situé sous le canon devant le pontet de détente, une arme utilisée par les boers principalement.

Un changement intervient lors du troisième meurtre car le Mauser s'enraye et le deuxième tir est effectué avec un Smith and Wesson 22LR Escort, une arme de femme. Un autre petit "détail" intrigant lors du quatrième meurtre va accélérer et réorienter l'enquête: le deuxième coup de feu atteint le pénis de la victime. Le cinquième homme tué selon le M.O. habituel n'apporte rien de plus à Joubert qui a déjà compris quels étaient les liens enfouis dans les souvenirs et la culpabilité qui unissaient ces victimes.


Le Mauser "Broomhandle"

Le Mauser est dit "Broomhandle" (manche à balai) quand la crosse du pistolet est prolongée par une crosse en bois pour pouvoir tirer comme avec un fusil.
C'est un Mauser de type C96 (Construktion 96) fabriqué par Mauser en Allemagne à partir de 1896 jusqu'en 1937.
Le modèle original utilise des munitions de calibre 7,63. Des modifications et améliorations ultérieures permettront d'utiliser le calibre 9mm Parabellum, la version chinoise du 45 ACP et des modèles plus rares comme le 9mm Mauser Export et 8mm Gasser. La portée efficace est de 150 à 200m maximum.
Winston Churchill l'appréciait tout particulièrement, comme Lawrence d'Arabie d'ailleurs.
Durant la guerre civile russe, les commissaires bolcheviks en possédaient pratiquement tous un en signe de leadership.
C'est le pistolet qui a servi de modèle au flingue de Han Solo dans Star Wars. On en voit aussi dans les histoires de Hugo Pratt quand le héros Corto Maltese se rend en Russie.

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