dimanche 29 août 2010

Vaudeville

Le mot vaudeville doit son origine à un petit coin de Basse-Normandie, le Val de Vire ou Vau de Vire selon la prononciation d'antan. La ville de Vire, célèbre pour son andouillette, se situe dans le Calvados; la rivière Vire se jette dans la Manche à hauteur d'Isigny sur Mer.


C'est à Olivier Basselin qu'on attribue la création du terme qui au départ concernait des chansons populaires à boire, légères et même souvent salaces; Basselin, originaire du coin, et dont la date de naissance et de décès est fluctuante selon les sources, vivait au XVème siècle. Une autre explication qui peut d'ailleurs rejoindre la première citée plus haut nous dit que les "voix des villes", recueils de chansons populaires, auraient pu se muer, toujours sous la plume de Basselin en vaudeville.


A la fin du XVIIème siècle ces airs populaires dont les paroles sont adaptées, modifiées selon l'histoire et l'endroit, viennent s'insérer dans des trames théâtrales. C'est alors avec des auteurs comme D'Orgeval, Lesage ou encore Fuzelier que cette forme de spectacle va virer vers un proto-opéra comique.


Le vaudeville français connait une éclipse fin XVIIIème, concurrencé par l'opéra comique plus noble pour revenir sous la Révolution avec la création en 1792 du Théâtre du Vaudeville.


A ce point, la musique n'occupe plus qu'une légère partie du spectacle: couplets chantés comme respiration du texte, support d'interlude ou entracte. Les pièces sont néanmoins toujours entrecoupées de passages musicaux jusque vers 1860 et la disparition des couplets chantés.


Des auteurs créent des stéréotypes des personnages récurrents (Mme Angot, Mr Dumollet...) et le succès public et populaire fera du vaudeville un genre très prisé sous le Premier Empire puis sous la Restauration. Augustin Eugène Scribe est l'auteur le plus en vogue à cette époque, n'écrivant pas pour autant que des vaudevilles.


On arrive à l'âge d'or du vaudeville français avec tout d'abord Eugène Labiche qui dans sa pièce "Un chapeau de paille d'Italie" accélère le tempo, grossit les situations comiques, les quiproquos (répétitions, méprises...). Eugene Hennequin et surtout Georges Feydeau donneront, avec Labiche, ses lettres de noblesses au genre en formatant les pièces en 3 actes. C'est la forme de vaudeville encore connue et jouée aujourd'hui bien que l'appellation ait été changée en théâtre de boulevard, genre qui allait prendre le pas sur le vaudeville faute d'auteurs aussi talentueux que Feydeau après sa mort.

Si, de fait, le fond et la forme ne changent pas vraiment, la mue du vaudeville en théâtre de boulevard est due, pour partie, à la localisation géographique des salles de théâtre parisiennes situées en majorité sur les grands boulevards parisiens.

L'influence du vaudeville conjuguée aux Singspiele autrichiens permettra la naissance du genre au Danemark avec le travail du comédien Overkou et de l'universitaire philosophe hégelien J.L. Heiberg qui dans la première moitié du XIXème siècle adapteront des pièces françaises ou autrichiennes (ils écrivent quelques essais sur le genre ainsi que des pièces originales).

Plus haut dans le nord de l'Europe, le genre essaime grace à August Blanche en Suède. De jeunes auteurs norvégiens tels que Ibsen ou Bergen s'intéressent également au vaudeville en étudiant de près la production de Scribe.

De l'autre côté de l'Atlantique, en Amérique du nord, le vaudeville américain va se développer à partir des années 1820-1830, surtout aux confins de la civilisation dans les petites villes du Sud ainsi que vers l'ouest "sauvage".

Non structuré, mélangeant le cirque (acrobaties, clowns, jongleurs...), le théâtre populaire (chants et danses) ainsi que le théâtre "classique" (passages de pièces de Shakespeare ) ce nouveau type de spectacle est une alternative à ceux trop guindés, réservés à l'élite, et aux ménestrels blackface sujets à controverse (voir ménestrel dans ce blog).

En 1865 le New York City Opera House ouvre ses portes et propose du vaudeville sans toutefois utiliser l'appellation qui sera adoptée par Mr Sargent en 1871 pour son spectacle Sargent's Great Vaudeville Company. En effet ce terme sous-tend moeurs légères, exotisme et raffinement. Un ancien Mr Loyal du cirque américain, Tony Pastor, devient en 1885 manager du N.Y. Opera House et programme des spectacles familiaux pour les classes moyennes. Exit les thèmes raciaux propre au blackface et bienvenue aux considérations qui "parlent" au public telles que l'antagonisme entre urbains et ruraux, entre américains de souches et immigrants; l'irlandais remplace le noir comme sujet mal dégrossi, idiot, à l'accent prononcé.

Mais ces spectacles sont néanmoins très rigoureux en matière de moeurs: sans érotisme appuyé, langage châtié et interdiction de vente d'alcool dans le théâtre. Plusieurs imitateurs profiteront du succès immédiat de Pastor, aidés en cela par le soutien des Eglises et ligues de vertu qui avaient attaqués les ménestrels blackface avec force depuis leur émergence.

Dans la dernière décennie du XIXème siècle les théâtres fixes et itinérants se comptent par centaines et programment ce qui est devenu un terme générique: le vaudeville. Benjamin Franklin Keith ouvre le théatre Bijou à Boston et impose ce qui sera la "norme" pour bon nombre d'édifices ultérieurs avec des protections anti-incendies, des décors somptueux copiés sur les palais royaux européens avec tapis de luxe, matériaux nobles tels le stuc et le marbre, escaliers majestueux. L'association de Keith avec Edward Albee se révèle si fructueuse qu'en 1914 il est l'un de ceux qu'il faut connaitre dans le mileu artistique pour espérer travailler. On recense 25000 artistes ou musiciens professionnels travaillant en moyenne 45 semaines par an. Et non content de vendre, d'organiser des spectacles et de gérer la carrière des artistes (il a fondé l'United Booking Artists) Keith crée également le merchandising artistique avec des boutiques dans les théâtres, vendant programmes, partitions, photos d'artistes, reproductions de bijoux portés par les actrices, cartes postales, papier et enveloppes à en-tête du théâtre...

Le vaudeville américain déclinera avec l'arrivée du cinéma même si dans les premiers temps des films sont tournés en studio reprenant décors, trame et déroulement du vaudeville. Projetés dans les salles de cinéma, ils ont pour vocation d'attirer le spectateur vers le vrai vaudeville. Mais le cinéma s'inspirera longtemps de ce qui avait fait le succès du vaudeville à travers ses comédies, ses drames et ses westerns.


"Il me souvient d'avoir joué dans un cinéma-théâtre de la banlieue de Jacksonville (Floride). C'était une salle en longueur, sombre et étroite, remplie de chaises pliantes caca d'oie... Ce n'était pas une vraie salle de spectacle mais un ancien magasin de meubles... Naturellement, pas de scène. Il y avait toutefois une longue plate-forme étroite, pas plus large qu'un échafaudage de peintre en bâtiment... Si le show comprenait des ballets, des acrobaties ou quoique ce soit de dangereux, il y avait un bref entracte pour permettre aux éxécutants de travailler sur le plancher de la salle... Le programme se constituait de quatre parties... mais en réalité il n'y en avait que deux. Le taulier gonflait le programme en comptant pour une partie le piano mécanique et pour une autre la projection d'un vieux bout de film, le plus rayé et le plus sautillant qui ait jamais esquinté la vue de tout un public. Les représentations avaient lieu toutes les heures à partir de midi, et jusqu'à minuit si la recette l'exigeait."


Groucho Marx

"Groucho Marx and Other Short Stories and Tall Tales"

"Crises et Grouchotements" éditions Point Virgule

vendredi 27 août 2010

Le banjo

Ceux qu'on ne peut omettre de mentionner: la folk music


Du côté de la folk-music c'est bien entendu la famille Seeger qui tient le haut du pavé. Le père, comme Art Satheley et Ralph Peer avant lui, parcourt le Sud Est avec sa famille, parallèlement aux Lomax père et fils, et enregistre un maximum de songsters grâce à son studio mobile, ce qui lui permet, en plus de son travail ethno-musicologique, de faire découvrir de vrais talents qui seraient restés méconnus sans lui. Cette somme d'enegistrements est archivée et éditée par la Bibliothèque du Congrès et Folkways créée en 1940 par Moses Asch.

Du coté des Seeger ce sont les enfants qui, par atavisme, ont pratiqué le banjo, appris au contact des nombreux musiciens qu'ils rencontraient. Peggy Seeger (honneur aux dames!) la cadette de la famille a surtout écrit pour le banjo au Royaume Uni après sa rencontre avec le musicien Ecossais Ewan McCall qui pratiquait les ballades traditionnelles de son pays.

Mike Seeger a fondé dans les années 60 les New Lost City Ramblers qui furent un des très bons groupes de folk revival de cette décennie. Le plus connu des Seeger est Pete, demi-frère de Peggy et Mike qui était déjà adolescent à leur naissance. Tout petit il apprend le banjo-ténor et l'ukulele mais le flash survient lors du festival de danses et musiques d'Asheville organisé par Lamar Bascom Lunsford, banjoiste éclairé qui lui donne d'ailleurs quelques conseils à propos de l'instrument.

Pete Seeger interrompt ses études à Harvard au milieu des années 30 et va mener une existence de vagabond (hobo), dessinant et vendant ses peintures pour survivre. Il va surtout, au contact des paysans, des montagnards et des travailleurs se forger un répertoire extrêmement vaste de chants de travail, de ballades, blues, spirituals, berceuses, bref tout ce qui était chanté et dansé.

Dans les années 40 il publie une méthode de banjo, joue dans des concerts dont la moitié des cachets est reversée à des associations anti-ségrégationnistes ainsi que la totalité des royalties de son interprétation de "We Shall Overcome". Il est également dans les années 40 (de 40 à 48) fondateur du groupe Almanac Singers avec Jesse Lomax, Lee Hays, Sis Cunningham et Woody Guthrie.

Après la dissolution du groupe, il fonde avec Lee Hays les Weavers qui durent jusqu'en 1962 et qui commettront quelques tubes comme "If i Had a Hammer" (Claude François leur dit merci!).

Pete Seeger, comme les groupes précités, est sur la liste rouge du trop célèbre sénateur McCarthy et sera condamné en 1961 à un an de prison pour activités anti-américaines, peine qui sera annulée, qui le bannira néanmoins des médias, networks télé et radio. Trois biographies lui sont consacrées de son vivant chose unique pour un banjoiste.


Conclusion:


"N'importe quel imbécile peut se révéler compliqué, tandis qu'il faut du génie pour atteindre à la simplicité" Pete Seeger.

Si je n'ai pas trop poussé et détaillé les différences et subtilités techniques que le profane (que je suis) a bien du mal à discerner c'est parce qu'il vaut mieux, pour ceux qui veulent pousser plus loin ainsi que pour les pratiquants de l'instrument, s'adonner à la lecture de vrais livres sur le sujet. Il existe d'assez nombreux écrits qui sont bien plus précis, avec beaucoup de pages et des images dedans.

En effet, le banjo, de par son origine artisanale DIY (do it yourself) a donné lieu à beaucoup de dérivations telles que la banjeaurine, la giraffe-banjo, la mandoline banjo et tous les mariages possibles avec des instruments à cordes.

Ce précis d'outillage a été confectionné avec la lecture en long, en large, en travers, en diagonale et même à l'envers du l'excellent livre de Nicolas Bardinet, banjoiste émérite et auteur de "une Histoire du Banjo" paru aux éditions Outre Mesure.

Concernant la discographie, quelques anthologies parues chez Frémeaux et Associés valent vraiment le coup en particulier "Folksongs, Old Country Music 1926-1944" et aussi "Banjo, an American Five Strings History 1901-1956". Côté bluegrass, attaquez directement avec la B.O. du film "Delivrance" et procurez vous l'incontournable "Will the Circle Be Unbroken" du Nitty Gritty Dirt Band pour commencer. Bill Monroe et les Bluegrass Boys sont aussi sortis chez Frémeaux et Associés. A noter que quelques groupes actuels un peu partout dans le monde perpétuent cette musique, du Japon à la Russie en passant par la Suède (les Rockridge Brothers).

Bref, soyez curieux, bougez vous, n'attendez pas qu'on vous ramène systématiquement la gamelle devant la gueule car le jour où elle sera merdeuse...

mardi 24 août 2010

Le banjo

Ceux qu'on ne peut pas omettre de mentionner: le banjo et le jazz.




Il y a évidemment un certain nombre de banjoistes renommés dans le jazz et ce qu'on appelle la "folk music" (bien que depuis les origines il est question de la musique du peuple). En ce qui concerne le jazz naissant, tordant une fois de plus le cou à une idée reçue, si des enregistrements de banjo fin XIXème étaient "protojazz" (ragtime) c'était comme cité plus haut pour une question de technique d'enregistrement. Et tous les orchestres de jazz naissant, du moins une grande majorité, n'auront aucun banjo dans leur line-up, y compris les groupes que l'on appelle trop facilement Dixieland.


Il faut attendre les années 1920 pour voit apparaitre l'instrument, encore une fois plus pour une question d'audibilité (concerts en plein air, enregistrements) que pour un souci de cohérence artistique, la guitare ou la contrebasse se chargeant de la section rythmique des orchestres. Mais l'instrument utilisé pour ceux-ci est délesté de sa 5ème corde car il ne sert qu'à la rythmique. Et, toujours pour des questions de racisme, les jazzmen noirs hésitent ou délaissent le banjo encore connoté trop négativement car les ménestrels et les medicine shows sont encore un peu vivaces dans ces années-là.


Ce sont surtout des guitaristes qui utilisent également le banjo pour quelques sessions ou certains concerts. Johnny St Cyr avec le Hot Five de Louis Armstrong, Lorenzo Staulz avec Buddy Bolden et Kid Ory, Narcisse "Buddy" Christian avec pratiquement toutes les chanteuses de l'époque 1920-1930 dont Bessie Smith et Alberta Hunter sans oublier Bud Scott avec King Oliver de 1923 à 1926.

Elmer Snowden, né en 1900, apprend à jouer de la mandoline puis de la guitare avant de se mettre au banjo-mandoline pour jouer dans la rue dès l'age de 12 ans. A 21 ans il fonde son propre groupe, les Washingtonians, qui verront passer dans leurs rangs Duke Ellington (qui remplace Fats Waller "défaillant") qui en profitera d'ailleurs pour le virer plus tard et prendre la direction de l'orchestre. Ses autres groupes mettront le pied à l'étrier d'autres débutants tels que Benny Carter, Jimmie Lunceford, Chick Webb, Count Basie et Rex Stewart.

Eddie Condon est aussi blanc qu'Elmer Snowden est noir. Natif du sud de Chicago, il apprend l'ukulele, très en vogue à l'époque, puis le banjo. Il rencontre Bix Beiderbecke en 1924 puis jouera plus tard avec Red Nichols, Mezz Mezzrow en 1928, Louis Armstrong et Fats Waller en 1929, Bud Freeman, Roy Eldridge et Bunny Berigan au début des années 30 tout en jouant en concert et en enregistrant avec ses propres combos montés por l'occasion. Eddie Condon, à l'instar des Benny Goodman et autres Glenn Miller (quoique! concernant ce dernier...), sera un fervent défenseur de la mixité dans les orchestres, chose assez rare et couillue pour l'époque.

Citons aussi Fred Guy, sa carrière particulière dans un seul orchestre, celui de Duke Ellington où il jouera du banjo et de la guitare pendant 22 ans. Et tant qu'on y est citons également, plus pour faire mousser le banjo qu'autre chose, Django Reinhardt, Jean Baptiste de son prénom qui apprit les bases de la guitare en copiant d'oreille les guitaristes de sa tribu avec son banjo-guitare car sa mère n'avait pas assez d'argent pour lui acheter une vraie guitare.

samedi 21 août 2010

Le Banjo

Virtuoses et novateurs



Dans la deuxième partie du XIXème siècle apparaissent donc les premières méthodes d'utilisation du banjo sachant qu'à l'époque l'apprentissage musical se faisait de bouche à oreille pour l'énorme majorité des gens de basse condition, illettrés dans leur grande majorité.


Le progrès en matière de communications (voies ferrées, télégraphe à partir de 1864, phonographe vers les années 1880) aide grandement à la propagation de spectacles en tous genres. Si on ne possède que peu de témoignages concernant la technique utilisée du temps des esclaves, le perfectionnement du jeu de banjo, dû au fait qu'il soit passé dans les mains des blancs, nordistes de surcroît, sera à la fin du XIXème l'occasion d'assister à l'émergence de véritables virtuoses de l'instrument mais dont les thèmes et mélodies vont paraitre compassés. Ces artistes qui délaissaient " l'entertainment" pour aspirer à une reconnaissance musicale "classique" ont laissé quelques traces et ont aidé à populariser la technique dite de "fingerpicking" déjà utilisée pour la guitare: Frank B. Converse, Edmund Clark,Vess L. Ossman qui enregistre pour Berliner "Ragtime Melody" et "Hot Foot Sue" ainsi que "Darkie's Tickle" en 1896, "Little Pickaninnies" en 1899 pour Edison sur cylindre.


Fred Van Epps enregistre pour Edison dès 1897, transcrivant des partitions pour piano sur son banjo dont le spectre sonore correspond mieux aux enregistreurs de l'époque. Van Epps peut se targuer d'avoir enregistré sa musique sur tous les différents supports de l'histoire du phonographe, du cylindre d'Edison fin XIXe aux microsillons 33t è la fin des années 5O.


Dans les années 1890 Alfred A. Farland interprète aux banjo les sonates et partitas pour violon de Bach ou encore le concerto pour violon de Mendelssohn.
Le banjo en cette fin de XIXe siècle croise la route du jazz naissant par l'intermédiaire du ragtime. Scott Joplin dont la maman esclave jouait du banjo compose Le ragtime entre tous et aussi le plus connu "Maple Leaf Ragtime" en 1897, la même année que l' "Alabama Ragtime" écrit pour banjo.
Mais le piano sonne mal dans les cornets d'enregistrements de l'époque et on préfère les ragtimes joués par des military bands ( assemblage d'instruments propres aux fanfares militaires) car ils rendent mieux sur disque. Cela fait également les choux gras de Van Epps, Vess Ossman et autres gratteurs de banjo.
D'autres influences vont agir sur la musique codifiée telle que nous la connaissons car pour les artistes précités dans ce chapitre il s'agissait principalement, géographiquement parlant, de grosses cités urbaines du Nord-Est des Etats-Unis.
Si le creuset musical des des Appalaches est reconnu comme tel aujourd'hui, c'est grâce à ces immigrants débarqués quelques siècles plus tôt, principalement les celtes écossais et irlandais venus d'Europe pour faire "fortune", s'installant au milieu d'une nature hostile et d'indigènes qui ne l'étaient pas moins. Ramenant les instruments de leurs contrées d'origine (accordéon pour les Allemands, violon pour les Irlandais et guitare pour les Espagnols dans le Sud-Ouest) ils se trouvèrent confrontés à cet instrument bizarre qu'est le banjo. Mais loin des villes ils fabriquaient eux-même avec les moyens du bord ces banjos aux formes non conventionnelles.
Cela débouchera sur une tradition dite de musique Appalachienne qui donnera bien plus tard naissance dans le XXème siècle au bluegrass.
Certains purent pratiquer leur musique de façon plus professionnelle, amenant comme Bill Monroe la tradition musicale séculaire et la nouveauté à travers le bluegrass. Monroe avait appris le banjo mais jouait plus volontiers et plus souvent de la mandoline avec ses frères Charlie et Birch dans les Monroe Brothers. Une fois la séparation effective avec Charlie qui affectionnait un style plus honky-tonk Texas swing, Bill Monroe crée les Bluegrass Boys et embauchera un banjoiste devenu fameux par la suite, Earl Scruggs.
Mais il y eut avant eux quelques songsters, musiciens itinérants, qui, par la gràce de quelques musicologues, furent sauvés de l'oubli et enregistrés pour l'éternité et pour plusieurs vagues du folk-boom, folk revival dans les années 50-60. Ces songsters, blancs pour la plupart, ont cotoyés et appris au contact des noirs la pratique du banjo.
Dock Boggs, né Moran Lee Boggs en 1898, travaille au fond des mines au contact des noirs et apprend le style plutot blues. Sa timidité lui fera enregistrer très peu de morceaux à la fin des années 20 puis raccrocher son banjo pour reprendre son boulot de mineur jusqu'à sa retraite et sa redécouverte dans les années 60 grâce au folk revival.

Clarence Earl McCurry dit Clarence Ashley commence sa carrière dès l'âge de treize ans, jouant dans des medicine shows ou dans différents groupes dans les années 20 dont les fameux Carolina Tar Heels. Il enregistre sa version de "the House of the Rising Sun", "Greenback Dollar" mais la crise économique de 1929 l'oblige à travailler à la mine d'où il ne sort que pour graver quelques disques tels que "the Cuckoo Bird" (repris par Janis Joplin dans les sixties) ou "the House Carpenter".


Sam et Kirk McGee, Buell Kazee, Doc Watson et Frank Profit ainsi que d'autres songsters font partie de cette branche de banjoistes traditionnels. Frank Profit est l'adaptateur sinon le créateur du morceau "Tom Dooley" qui permettra au Kingston Trio de se faire des couilles en or dans les années 60 (les Compagnons de la Chanson ont egalement enregistré leur version de ce morceau).


Parmi les précurseurs du bluegrass Charlie Poole a une vie rock and roll, meurt en 1931 à l'age de 39 ans d'une crise cardiaque consécutive à un usage immodéré d'alcool mais contribue à installer le banjoiste comme musicien sérieux et partie prenante d'un groupe au contraire des clichés encore tenaces attachés aux minstrels shows et autres medicine shows. Dewitt "Snuffy" Jenkins sera l'idole d'Earl Scuggs et l'initiateur comme Smith Hammett un peu avant lui de la technique du "Picking" à trois doigts (pouce, index et majeur) aidé par des onglets métal puis buis, corne ou plastique.


Mais d'autres, tout en pratiquant avec dextérité leur instrument, resteront dans la tradition minstrel d'amuseur public. Uncle Dave Macon né David Harrison Macon en 1870 est de la partie et profite de l'essor du vaudeville et de la radio en 1920. Il enregistre 3Hillbilly Blues" en 1924 et se retrouve crédité inventeur du terme Hillbilly. Ernest van "Pop" Stoneman enregistre "the Sinking of the Titanic" en 1924 qui se vend à 1 million d'exemplaires. "Grandpa" Jones popularise la caricature du péquenot du Sud, jous avec les Brown Ferry Four (avec Milton Brown et les Delmore Brothers) pour leurs shows radiophoniques.


Le banjo sera bien entendu associé au bluegrass quand Bill Monroe embauche Earl Scruggs dans ses Bluegrass Boys en 1945, groupe que Scruggs quittera en 1948 pour fonder les Foggy Mountains Boys avec son pote guitariste Lester Flatts. Jusqu'à leur séparation en 1969 c'est un gros succès pour eux grace au Newport Folk Festival, au Grand Ole Opry et des émissions de télévision comme "the Beverly Hillbillies show" ou "Saturday Night Barn Dance". Ils jouent sur la bande originale du film "Bonnie and Clyde" d'Arthur Penn.


D'autres banjoistes passés par les Bluegrass Boys de Bill Monroe connaitront un certain succès tels que Tony Ellis ou Donald Wesley Reno dit Dan Reno, connu pour le morceau "Feuding Banjos" enregistré en 1955 avec Arthur "Guitar Boogie" Smith, morcau de bravoure du film "Delivrance" de John Boorman qui les fera batailler en justice avec Warner Bros pour récupérer les droits du morceau et surtout les royalties qui vont avec, la version du film étant néanmoins interprêtée par Eric Weissberg au banjo et Steve Mandell à la guitare.


vendredi 20 août 2010

Emission du 21 août

Hazel Dickens: The Rebel girl (1990)
Hellsingland Underground: Shuffle day to day (2010)
Guns n' Roses: Catcher in the Rye (2008)
Guns n' Roses: Sympathy for the Devil (1992)
American Dog: Drivin down the sidewalk (2010)
ACDC: Riff Raff (1978)
The Kinks: Act nice and gentle
The Animals: I'm in love again (1964)
Who: I can see for miles (1967)
The Orioles: Crying in the chapel (1953)
The Marcells: That old black magic (1962)
The Coasters: The shadow knows (1958)
Rex Allen: Crying in the chapel
Spade Cooley: Shame on you (1944)
Foy Willing: Texas blues (1944)
Elvis Presley: Crying in the chapel (1965)
Chet Atkins: Frankie & Johnny

mercredi 18 août 2010

Le Banjo

Le banjo moderne


Un autre blackface minstrel va se révéler, non seulement d'un point de vue artistique mais également technique, une figure charnière capitale de l'histoire de l'instrument.


Joel Walker Sweeney (1810-1860) né à Appomatox va solidifier le cerclage en bois pour rendre le banjo plus fiable, moins fragile à transporter. Il impose un accord qui est encore majoritairement utilisé de nos jours pour les banjos 5 cordes et standardise la longueur des manches, aidé en cela par le facteur de banjos William Esperance Boucher. Quant à sa soi-disante "invention " de la 5e corde (la chanterelle plus courte) elle est battue en brèche par le "créole bania" de Guyane. Mais Joel Sweeney est un "banjo-king" dont le spectacle blackface connait un énorme succès qui le conduira en Angleterre pour jouer devant la reine Victoria, Sweeney ayant remplacé Bill Whitlock au sein des Virginia Minstrels.


Le banjo connait un tel succès en Angleterre que le Prince de Galles, futur Edouard VII, deviendra un bon pratiquant de l'instrument, instaurant de ce fait une mode durable et une industrie de fabriques de banjos ( John Grey and Sons, Clifford Essex). Malgré son succès public, le banjo reste dans l'inconscient collectif l'instrument favori des noirs alors qu'on dénombre plus de joueurs de fiddle que de banjo. Et donc, l'à-priori défavorable touche à la fois les groupes bien-pensants blancs (chrétiens traditionnalistes, Puritains) et les groupes noirs revendicatifs (Frederic Douglas au XIXème, Langston Hughes au XXème) en ce qui concerne l'amalgame du noir jouant du banjo, instrument du diable pour les uns et cliché raciste pour les autres.

Outre quelques oeuvres qui se veulent classiques mais dédiées au banjo telles que "the banjo, grotesque fantasie" écrite et publiée en 1855 par Louis Moreau Gottschalk, né d'un père anglais émigré en Louisiane où il épouse une créole originaire d'Haiti (si c'est pas du melting-pot, ça!), précédée par Anthony Philip Heinrich en 1820 avec le très laconique "the banjo" ou encore "the banjo: imitation of an inimitable instrument" en 1863 par H. C. Harris, c'est encore, en cette deuxième partie du XIXe, aux minstrels que le banjo doit sa pérennité.


Stephen Collins Foster, auteur de "Swanee River" chanson parmi les dix plus enregistées de tous les temps," Campton Races"(hymne de la campagne électorale d'Abraham Lincoln en 1860) joue un peu de banjo et compose donc pour cet instrument un grand nombre de chansons. "Swanee River" est également un long métrage d'Hollywood sorti en 1939 avec Al Jolson dans le role de E. P. Christy (voir à ménestrel). James Bland, noir blackface et joueur de banjo sera aussi une figue des minstrels shows d'après la guerre de secession.


Mais pour que des artistes puissent se produire sur scène, il leur faut un instrument et donc des fabricants.


William Esperance Boucher, originaire d'Allemagne, est facteur de percussions à Baltimore avant de se lancer dans le perfectionnement des "gourd-banjos"(banjo-calebasse au dos arrondi) en banjos modernes (à dos plat). Boucher, qui malgré toutes ses améliorations techniques ne déposa pas de brevets, sera tout de même jusqu'à la fin de sa vie à la tête d'une entreprise d'instruments de musique prospère et lucrative.


James Ashborn, natif d'Angleterre, adopte une approche plus "industrielle" liée à son savoir-faire en métallurgie; il fabrique des guitares, des banjos en améliorant les matériaux et les systèmes d'assemblage, de tension, installant des frettes sur le manche, chose assez rare pour l'époque.

Il faut également citer les frères Dobson. Henry et Charles sont natifs de New-York et deviennent des virtuoses de l'instrument, délivrant des cours et se lançant dans la fabrication de banjos, imposant l'implantation des frettes et surtout du fond de caisse appelé résonnateur, ce qui permet au son d'être légèrement amplifié et surtout aux femmes de commencer à jouer sans que leur robe se prennent dans les ecrous de tension de la peau.

Samuel Swaim Stewart sera plus un théoricien doublé d'un esprit commercial redoutable, visant à sortir le banjo de son "ghetto" minstrel pour le faire rentrer dans les salons de musique (parlours) de la haute société grâce à ses brochures promotionnelles, ses catalogues, ses méthodes d'utilisation et de construction sans oublier ses notes historiques sur l'instrument ainsi que son journal mensuel puis bimensuel le "S.S.Stewart banjo and guitar journal". Il créera en 1878 sa manufacture de banjos à Philadelphie.

A Boston, l'excellence sera de mise dans la ville fondatrice de l'ordre puritain du nouveau monde où environ une trentaine de facteurs créent des banjos dont certains sont encore utilisés de nos jours.

Elias Howe, l'auteur de la première méthode de banjo, sous-traite la fabrication de ses produits mais sa gamme permet de satisfaire toutes les bourses, des plus démunies aux plus garnies, avec un pic de vente durant les "roaring twenties" (1920-1930) où ses instruments dominent le marché.

Citons également pour Boston Lincoln B. Gatcomb, William A. Cole (élève de Georges C. Dobson) ainsi que John C. Haynes.

vendredi 13 août 2010

Emission du 14 août

Bob Dylan: Its all good
Hellsingland Underground: Forever damned
Vince Neil: He's a whore
Ozzy Osbourne: Let it die
Bob Dylan: I don't believe you
Mad: Mad
Dead Duck: Let me be serious
Idol: Bedtime story
Kitty, Daisy & Lewis: Going up the country
Milton Brown: Wheezie Anna (1935)
Milton Brown: Memphis blues
Milton Brown: The yellow rose of Texas
Milton Brown: Down by the Ohio
Bob Dylan: Stuck inside of Mobile with the Memphis blues again
Bob Dylan: My blue eyed Jane
Bob Wills: Maiden's prayer