mercredi 30 septembre 2009

Alex Grenier

Alex Grenier - "Boomerang"

Si d'habitude, et surtout poussé par l'entourage, le guitariste en herbe se tourne plus volontiers vers un style de musique qui a très fortement contribué à magnifier l'instrument guitare (rock, métal, etc), Alex Grenier a choisi une voie autrement plus casse-gueule.

Jazz-funk, blues dont les inspirateurs pourraient être Wes Montgomery, Ronny Jordan ou encore BB King, ce disque rappelle aussi US3 à la sauce instrumentale.
Autour de la guitare, une section de cuivres efficace (trompette, sax ténor et baryton) et un dj scratcheur accompagnent les mélodies et solos de guitare d'Alex Grenier très efficacement en un groove qui prend dès le premier morceau "This way" pour ne plus lâcher avant le dernier pour la route "Boomerang".

Il y a une alternative aux musiques dominantes sans pour autant tomber dans une chapelle intégriste, c'est une des raisons pour se jeter sans délai sur ce disque excellent.

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lundi 28 septembre 2009

Megafaun

Megafaun - "Gather, form and fly" - Crammed Discs

Trois barbus du Wisconsin (eux, au moins, ne risquent pas de se faire emmerder dans les aéroports, quoique!) délocalisés en Caroline du Nord sortent leur premier album (après un premier, inédit en Europe) et c'est une claque assez énorme.

Pour synthétiser, on pourrait parler d'émo-folk à tendance musique concrète, mais mieux vaut se laisser bercer par ces chansons folk dissonantes , ces instrumentaux expérimentaux qui rapprochent Megafaun du courant opéré par Akron Family entre autres.

Très fortement recommandé.

Site officiel

dimanche 27 septembre 2009

Big Joe Turner (première partie)

Dans la liste des musiciens injustement délaissés par les critiques, oubliés des tablettes, voire, méprisés par l'intelligentsia musicale inrockuptible, le gros Joseph Vernon Turner a certainement une place de choix. Si son heure de gloire fut occultée au profit d'un ex-disc jockey blanc passé à la country yodelisante puis aux prémisses de ce qui a été appelé rock n' roll (Bill Haley l'opportuniste) , sa carrière mérite un hommage autrement plus sérieux que quelques parenthèses ou annotations servies pour faire mousser un texte et son auteur.


Kansas City, Missouri


Joseph Vernon Turner naît le 18 mai 1911 dans une famille sans aucune tradition musicale, contrairement à la majorité des musiciens jazz, blues ou country, qui commencèrent très jeunes, aidés ou poussés par un ou des parents qui pratiquaient déjà un instrument.

Heureusement, son beau-frère, Charlie Fisher, est pianiste et joue dans des bars locaux. A l'époque, Kansas City est, pendant les années de Prohibition, presque l'égale de Chicago dans le Midwest en ce qui concerne l'alcool, les femmes et le jeu. Mais ce sont surtout les grands noms qui y passèrent, s'y installèrent, durant cette période, qui firent de Kansas City une place forte de la musique, un terreau pour les évolutions du jazz et des artistes.

Et si c'est Charlie Fischer, qui essayant ses nouvelles chansons sur le piano des Turner, a allumé l'étincelle dans les yeux et les oreilles de Joe, ce sont le hasard et la nécessité qui l'ont poussé à monter sur scène. Le père de Joe meurt lorsqu'il a 15 ans: il est alors obligé de travailler et va de petits boulots en petits boulots (cireur de chaussures, vendeur de journaux, cuistot d'hôtel, comme son défunt père). Sa passion pour la musique lui vient également des disques qu'il écoutait à la maison, en particulier Bessie Smith, Clarence Rand et celle qu'il vénérait entre tous: Ethel Waters.

A l'âge de seize, dix-sept ans, il se met à fréquenter le Backbiter's Club pour écouter Pete Johnson, pianiste de boogie woogie. Lui qui n'avait alors chanté que dans la rue avec des potes armés d'instruments rudimentaires (vieux banjo rafistolé, cruche (jug), tuyaux de gaz semi bouchés) franchit le pas de porte du Backbiter's Club, aidé par son beau-frère qui y était également videur et par une moustache dessinée sur son visage avec l'eye-liner de sa mère pour paraitre plus vieux (l'âge légal pour entrer en boite est fixé à 20 ans) et après s'être plusieurs fois fait rembarrer par les musiciens, il réussit à monter sur scène pour chanter quelques blues qu'il avait expérimenté dans la rue.

La mayonnaise prend et il se voit offrir, à 18 ans, un contrat pour chanter tous les week ends.
De 1929 à 1933 (fin de la Prohibition), Turner et Johnson vont tourner à Kansas City au Black & Tan, où Turner officiera également comme barman et bootlegger. Puis ce sera au Cherry Blossom et au Sunset Club. Le Sunset Club était l'endroit où jouait également l'orchestre de Count Basie, ainsi que Coleman Hawkins, Ben Webster, Lester Young, pour des jams qui duraient toute la nuit, pavant la voie pour d'autres évolutions du jazz qui ne nous regardent pas (pour l'instant!). Turner et Johnson, ainsi que le batteur Murl Johnson, tournèrent dans le Midwest après la fin de la Prohibition, passant par St Louis, Omaha et même Chicago. C'est en 1936 que John Hammond qui voulait embaucher Count Basie propose à Joe Turner de monter à New York.

dimanche 20 septembre 2009

Menestrel (4ème partie)

Tout au long de cette histoire de la culture propre à l'Amérique, on se rend compte de l'influence prépondérante, essentielle, des Noirs (Nègres!), esclaves arrachés à leur Afrique natale.
Et si les Indiens (Native Americans) ont été longtemps les premiers esclaves forcés à travailler dans les plantations, afin d'éviter toute forme de rébellion on déportait les hommes vers les Antilles britanniques (la Jamaïque en premier lieu) pour les "former". Les esclaves noirs qui les remplaçaient étaient mariés de force aux Indiennes restées seules.

A la différence des Espagnols, les Anglais et les Américains ne faisaient pas la différence entre Native Americans et Negros. Il n'y avait que des "darkies", puis "black", puis "coloured people", sans oublier le précité "negro".
Tout ceci était particulièrement effectif dans la vallée du Mississipi. Et ainsi, les blancs américains essayèrent de se forger une culture propre, mélange de traditions ramenées de leurs propres pays européens d'origine respectifs (France, Angleterre, Allemagne, Irlande...) tout en lorgnant sur et en assimilant ce qu'ils avaient sous les yeux, mélange de condescendance, de dérision, de vanité mais aussi de secrète admiration (le fameux préjugé des noirs bons danseurs!!!).

Stephen Foster, né à Pittsburg, compose "Swannee River" alors qu'il n'a jamais mis les pieds dans le Sud, Albert Yoelson (Al Jolson) chante le "jazz" dans le premier film parlant, Gerswhin compose une comédie musicale "black" (Porgy and Bess), Sam Philips cherche et trouve le blanc qui chante comme un noir et Eminem se fait des couilles en or avec la musique importée des ghettos blacks, musique qui trouve d'ailleurs ses racines et ses précurseurs en Jamaïque (Tiens! Tiens! Voilà une courbure espace-temps qu'Einstein n'avait pas prévue).

Maints interviews, articles, livres nous rappellent l'influence des "immigrés de force" sur la culture américaine. Dans "L'histoire du Jazz", Marshall Stearns écrit que "le Ménestrel a une énorme importance dans l'histoire du Jazz parce-qu'il fut un moyen de propager la culture noire américaine. Il servit d'introduction au public blanc qui se divertissait grâce aux danses, aux chants et aux histoires nègres. Le Ménestrel éduqua l'oreille blanche, pava le chemin qui menait à la musique de jazz".

C'est dans la dernière décade du XIXème siècle que le ménestrel blackface et le jazz commencent à se mêler car c'est le terreau dans lequel vont pousser, grandir, faire leurs classes, tous les précurseurs.
Les Rabbit Foot Minstrels deviennent Ma & Pa Rainey Rabbit Foot Minstrels, les Georgia Minstrels compteront dans leurs rangs nombre d'artistes de la Nouvelle Orléans, un des berceaux du Jazz.
W.C.Handy avec les Mahara's Minstrels, Clarence Williams, Jelly Roll Morton chez les McCabe & Young Minstrels en 1910, James P. Johnson, Bunk Johnson, Hot Lips Page, Lester Young (the Prez!) et beaucoup d'autres fourbiront leurs armes chez les ménestrels, pour, involontairement et à cause de la compétition/concurrence du vaudeville, des cabarets et du jazz, provoquer la chute du ménestrel.

En guise de conclusion (provisoire), Louis Jordan dans "Honkers ans Shouters" : Il n'y a rien que l'artiste blanc ait inventé en terme de jazz ou même de divertissement. le rock n' roll n'a pas été le mariage entre le rythm n' blues et la country & western. Ça, c'est de la publicité de blanc. Le rock n' roll était seulement une imitation blanche, une adaptation blanche du rythm n' blues nègre."

dimanche 13 septembre 2009

Menestrel (3ème partie)




Les blackfaces noirs:

S'il était communément admis que les troupes de ménestrels étaient le fait des blancs au départ, l'abolition de l'esclavage permit également l'essor de groupes noirs qui sacrifiaient aux mêmes méthodes que les blancs quant à l'utilisation du bouchon de liège brûlé.
William Henry Lane, sous le nom de Master Juba, natif de New York, fut même qualifié par Charles Dickens (celui d'Oliver Twist) de "plus grand danseur connu" en 1842. Il mourrut 10 ans plus tard à Londres.

Il faut attendre 1865 (fin de la guerre de Sécession) pour voir débuter le premier groupe noir de ménestrels, les Georgia Minstrels, groupe d'anciens esclaves formé à Mâcon, Georgie. A la fin de la même année, on pouvait voir au moins trois groupes noirs portant le nom de Georgia Minstrels. Pour se distinguer des troupes de ménestrels blancs, il devint courant pour les noirs d'adopter l'appellation Georgia Minstrels.
Après la guerre, beaucoup de noirs blackface apparurent et purent gagner leur vie:
Sam Lucas (1840-1916): né de parents libres en Ohio, se lance dans le ménestrel en 1869 et devint le premier artiste noir à se voir attribuer le rôle principal dans un film, jouant Tom dans la 7ème version cinématographique de "La case de l'oncle Tom" en 1914.

Billy Kersands (1854-1915): né à New York, il dirigeait sa propre troupe, les Billy Kersands' Minstrels, et fut dans les années 1870-1880 l'artiste noir le mieux payé, aussi populaire auprès des noirs que des blancs.

James A. Bland (1854-1911): né à New York dans une famille libre, il grandit à Washington et intègre les Haverly's Coloured Minstrels où jouaient également Lucas et Kersands. Il composa des chansons qui deviendront des classique du ménestrel tel que "Carry me back to old Virginny". Il meurt néanmoins dans la misère à Philadelphie. Une de ses compositions fut adaptée en 1940 comme chanson officielle de l'état de Virginie.

Une troupe noire basée dans le Mississipi, la Rabbit Foot Company, rebaptisée Rabbit Foot Minstrels, fournit nombre d'artistes qui devaient plus tard émerger en solo, mais dans un registre différent du ménestrel: parmi les plus connus, Ma Rainey, Ida Cox, Bessie Smith, Louis Jordan, Skip James, Rufus Thomas, ainsi que de nombreux artistes de blues tels que Furry Lewis, Jim Jackson, Big Joe Williams, Louis Armstrong.

Le ménestrel blackface connut dont son âge d'or de 1843 jusqu'en 1875, date à laquelle le vaudeville comment à le supplanter.
De 1895 jusqu'à 1930, la fin du ménestrel se caractérise par la difficulté grandissante que rencontraient les troupes à trouver des engagements pour leurs spectacles, appauvrissement qui permet au parent pauvre du blackface, le medicine show, de faire survivre de nombreux artistes, mais également de mettre le pied à l'étrier des petits jeunes qui plus tard, dans les années 30, allaient donner naissance aux formes musicales qu'on connait aujourd'hui: le blues, la country et le folk.

Bibliographie sélective (très sélective!):

- Blackface: au confluent des voix mortes, de Nick Tosches, Editions Allia, 2003
un livre basé sur l'histoire d'Emmet Miller mais qui décrypte bien l'ensemble du mouvement blackface.

- Peaux blanches, Masques noirs, de W.T. Lhamon Jr, Editions Kargo & l'Eclat, 2008
Ouvrage très érudit, mais très documenté. Le titre anglais est plus explicite: "Raising Cain: Blackface performance from Jim Crow to Hip Hop".

dimanche 6 septembre 2009

Menestrel (2ème partie)

(Stephen Collins Foster)



Les Ethiopiens
:

La date du 6 février 1843 marque le début de l'âge d'or du ménestrel blackface avec le spectacle donné au Bowery Amphitheatre de New York par les "Virginia Minstrels" de Daniel Decatur Emmett (1815-1904). Ce groupe ne tient même pas une année, se séparant après une tournée en Angleterre, pays où le succès du blackface fut immédiat et perdurera même après le déclin du genre en Amérique.
A la même époque, d'autres formations précédèrent ou emboitèrent le pas des Virginia Minstrels, qui n'étaient même pas les premiers à s'appeler comme ça. On peut voir les Ethiopian Serenaders aussi connus sous le nom de Boston Minstrels, les Congo Melodists qui deviennent les Buckley's New Orleans Serenaders. La même année, la publication à Boston de "The Celebrated Negro Melodies, as sung by the Virginia Minstrels" assoit et répand la renommée de la bande de Dan Emmett.
Un an plus tard, en 1844, les plus connus sont les Christy's Minstrels à New York. Les Kentucky Minstrels et les Ring and Parker Minstrels jouent également à cette époque, mais Daniel Emmett restera dans les mémoires grâce à sa longue carrière autant qu'à son talent artistique. Mais le premier américain à gagner sa vie en écrivant des chansons fut Stephen Collins Foster, de Pittsburgh. Il écrit sa première chanson à l'âge de 18 ans. 3 ans plus tard, "Oh Susannah" (1847) est popularisé à Pittsburgh par des troupes locales de blackface comme les Sable Brothers.
Edwyn Christy, fondateur des Christy's Minstrels dont le spectacle à New York bat tous les records, intègre la chanson à son répertoire, suivie par beaucoup d'autres plus tard.
Foster écrivit plus de 150 chansons dont certaines sont restées dans la mémoire collective des musiciens et des spectateurs durant de nombreuses décennies, donnant des classiques encore repris de nos jours, non sans une certaine connotation ou interprétation que renierait certainement Foster, anti-esclavagiste reconnu. (L'abolition de l'esclavage est effectif depuis un édit new yorkais de 1799. Mais cette liberté relative ne concernait que les affranchis ou les descendants d'esclaves; il faut attendre 1827, l'époque où Dixon, Rice et d'autres développent le genre blackface, pour que l'abolition concerne tous les esclaves de l'état de New York).
Ces classiques écrits par Foster sont tellement nombreux qu'il faudrait plus de pages pour tous les citer: "The old folks at home" qui devint la chanson "Swannee", "My own Kentucky home" (pour quelqu'un né à Pittsburgh!!), "Old black Joe" qui fut reprise en 1960 par le killer Jerry Lee Lewis.
Foster meurt en 1864 à l'âge de 38 ans dans un hôpital de New York, ivrogne et indigent. En effet, en vertu d'un accord tacite passé avec Christy, les chansons de Foster étaient sorties sous la signature de Christy, Foster étant d'abord embarrassé par les critiques et les préjugés négatifs que suscitaient les spectacles de ménestrels.

mercredi 2 septembre 2009

the Rockridge Brothers

The Rockridge Brothers - Rockridge Hollerin' "- Sound Pollution

On connaissait les Suédois pour leur accueil chaleureux de musiciens indésirables ou peu considérés chez eux (les jazzmen dans les années 60) et par leur rock efficace depuis (globalement!) la fin des années 80.
Voilà la seconde production de ce groupe après "Straight outta Rockridge" en 2003. Mais ici, pas de jazz, pas de rock and roll ou de métal death grind nocturnal etc... mais du bluegrass dans la forme traditionnelle.

L'essentiel de l'album est composé de reprises dont le choix est tout simplement excellent, que ce soit des Old Timers comme Henry Thomas ou Clarence Ashley ou des maîtres reconnus du style bluegrass tels que Charlie Monroe (frère de Bill et de Birch), le banjoïste virtuose Earl Scruggs sans oublier Bob Shelton (frère de Joe), plus proche du western swing ou du honky tonk à l'époque.
Car pour les Rockridge Brothers, le bluegrass est prépondérant et ils rendent à merveille ces vieilleries pour en faire un disque excellent, presque idéal pour faire découvrir un genre qui, s'il est daté et n'a connu qu'une bonne dizaine d'années de gloire et de renommée, n'en reste pas moins toujours prisé un peu partout dans le monde.

Sorti le 28/08/09