Les blackfaces noirs:
S'il était communément admis que les troupes de ménestrels étaient le fait des blancs au départ, l'abolition de l'esclavage permit également l'essor de groupes noirs qui sacrifiaient aux mêmes méthodes que les blancs quant à l'utilisation du bouchon de liège brûlé.
William Henry Lane, sous le nom de Master Juba, natif de New York, fut même qualifié par Charles Dickens (celui d'Oliver Twist) de "plus grand danseur connu" en 1842. Il mourrut 10 ans plus tard à Londres.
Il faut attendre 1865 (fin de la guerre de Sécession) pour voir débuter le premier groupe noir de ménestrels, les Georgia Minstrels, groupe d'anciens esclaves formé à Mâcon, Georgie. A la fin de la même année, on pouvait voir au moins trois groupes noirs portant le nom de Georgia Minstrels. Pour se distinguer des troupes de ménestrels blancs, il devint courant pour les noirs d'adopter l'appellation Georgia Minstrels.
Après la guerre, beaucoup de noirs blackface apparurent et purent gagner leur vie:
Sam Lucas (1840-1916): né de parents libres en Ohio, se lance dans le ménestrel en 1869 et devint le premier artiste noir à se voir attribuer le rôle principal dans un film, jouant Tom dans la 7ème version cinématographique de "La case de l'oncle Tom" en 1914.
Billy Kersands (1854-1915): né à New York, il dirigeait sa propre troupe, les Billy Kersands' Minstrels, et fut dans les années 1870-1880 l'artiste noir le mieux payé, aussi populaire auprès des noirs que des blancs.
James A. Bland (1854-1911): né à New York dans une famille libre, il grandit à Washington et intègre les Haverly's Coloured Minstrels où jouaient également Lucas et Kersands. Il composa des chansons qui deviendront des classique du ménestrel tel que "Carry me back to old Virginny". Il meurt néanmoins dans la misère à Philadelphie. Une de ses compositions fut adaptée en 1940 comme chanson officielle de l'état de Virginie.
Une troupe noire basée dans le Mississipi, la Rabbit Foot Company, rebaptisée Rabbit Foot Minstrels, fournit nombre d'artistes qui devaient plus tard émerger en solo, mais dans un registre différent du ménestrel: parmi les plus connus, Ma Rainey, Ida Cox, Bessie Smith, Louis Jordan, Skip James, Rufus Thomas, ainsi que de nombreux artistes de blues tels que Furry Lewis, Jim Jackson, Big Joe Williams, Louis Armstrong.
Le ménestrel blackface connut dont son âge d'or de 1843 jusqu'en 1875, date à laquelle le vaudeville comment à le supplanter.
De 1895 jusqu'à 1930, la fin du ménestrel se caractérise par la difficulté grandissante que rencontraient les troupes à trouver des engagements pour leurs spectacles, appauvrissement qui permet au parent pauvre du blackface, le medicine show, de faire survivre de nombreux artistes, mais également de mettre le pied à l'étrier des petits jeunes qui plus tard, dans les années 30, allaient donner naissance aux formes musicales qu'on connait aujourd'hui: le blues, la country et le folk.
Bibliographie sélective (très sélective!):
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Blackface: au confluent des voix mortes, de Nick Tosches, Editions Allia, 2003
un livre basé sur l'histoire d'Emmet Miller mais qui décrypte bien l'ensemble du mouvement blackface.
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Peaux blanches, Masques noirs, de W.T. Lhamon Jr, Editions Kargo & l'Eclat, 2008
Ouvrage très érudit, mais très documenté. Le titre anglais est plus explicite: "Raising Cain: Blackface performance from Jim Crow to Hip Hop".