Origines
Parmi toutes les idées préconçues, les images "d'Epinal" concernant les instruments de musique, et en particulier ceux qualifiés de seconde zone, le banjo et l'utilisateur noir au beau milieu des plantations de coton du Sud Etatsunien est certainement l'une des plus communément admises. Toutefois, l'histoire de cet instrument ne peut être dissociée (en tant que conséquence annexe) de ce que l'homme a inventé depuis des temps
immémoriaux , à savoir, l'esclavage. On sait que l'instrument ancêtre du banjo traversa l'Océan Atlantique avec les Africains déportés vers le nouveau monde, mais ses origines ont toujours été sujettes à controverses.
Pandura chez les Romains, bandurria chez les Ibères ou même mandore des Français, ce luth rustique à dos plat ou arrondi va se transformer chez nous en mandoline. Mais le rebec des Arabes est également une piste, confortée par les échanges dès le premier millénaire entre la civilisation arabe et les tribus d'Afrique noire. Petit bémol concernant le rebec, dont la caisse de résonance est circulaire, mais dont les cordes sont frottées avec un archet alors que les instruments européens précités, comme d'ailleurs certains instruments d'Egypte ou de Chine, sont joués avec un plectre (l'ancêtre du médiator) ou avec les doigts. (Sans parler du khalam ou de la kora africaine).
Les Africains déportés vont reproduire, avec les moyens à leur disposition, les instruments de musique dont ils se servaient à l'origine en Afrique, mais la christianisation forcée et le contact avec d'autres types d'instruments rapportés par d'autres pseudo esclaves du nouveau monde (Ecossais et Irlandais puis Allemands, sans oublier les Amérindiens) les verront adopter et adapter selon les circonstances, le climat, la facilité de transport, les instruments de musique (mais je m'éloigne un peu du banjo).
La base classique du banjo est une caisse circulaire à fond plat recouverte d'une peau (animale aux origines) et pourvu d'un long manche sans frettes.
Dès 1678, le consul de Martinique interdit les danses et les rassemblements de "Nègres" au son des tambours et des "banza".
Au XVIIIème siècle, la culture du tabac et du coton provoque un afflux massif d'esclaves dans tous les états côtiers du sud est des Etats Unis (qui ne s'appellent pas encore ainsi) et apparaissent des descriptions de l'instrument nommé "créole-bania", "banshaw", "merry-wang", "bangier" ou "banjer".
Le premier joueur que l'Histoire retient s'appelle Billy Banjo!! (1738-1826) esclave affranchi par ses maîtres (du côté de New York) qui fabrique lui-même ses instruments.
Mais ce sont les blancs qui vont populariser l'instrument au travers des blackface minstrels show dans la première moitié du XIXème siècle. Il faut attendre la seconde moitié pour que des artistes noirs puissent être reconnus comme tels (Relisez "Menestrels" sur ce même blog).
Daniel Decatur Emmett apprend le violon (fiddle) enfant et sera plus tard banjoïste avec les Virginia Minstrels; il
édite ses chansons sous le titre "Old Dan Emmit's original banjo Melodies" avec entre autres chansons "De old banjo" et "De banjo nigger".
C'est lui, le nordiste né en Ohio, qui écrira l'hymne sudiste "Dixieland" en 1859. Plusieurs origines au terme de Dixieland sont d'ailleurs admises; la première voit un maître Hollandais de Manhattan,
Johaan Dixie vendre des esclaves à un planteur de Charleston. Ces esclaves regrettant leur ancien maître veulent retrouver dans le nord les terres de Dixie.
La plus technique vient de deux géomètres anglais de la fin du XVIIème siècle chargés d'établir la frontière Pennsylvanie-Maryland. Charles Mason et Jeremiah Dixon passent à la postérité pour leur Mason-Dixon Line, devenue Dixie-line-land puis contractée en Dixieland.
Plus improbable est l'origine française: "Dix" figurait sur les billets de 10 dollars imprimés en Louisiane.