dimanche 26 septembre 2010

Dennis Lehane et la paire Gennaro-Kenzie (3)

Le cinéma et Dennis Lehane

Trois livres de l'auteur ont été portés à l'écran. Force est de constater que les réussites sont l'oeuvre de cinéastes confirmés, habités par le style polar qui leur a bien réussi par le passé, Eastwood ayant adapté un autre auteur de romans noirs remarquables avec "Créance de Sang" de Michael Connelly.
Pour ce qui est de la non-réussite, autant commencer par ce qui fait mal!
C'est le réalisateur novice Ben Affleck qui décroche la palme avec son adaptation de "Gone, Baby, Gone" dont il signe la réalisation et le scénario. Originaire de Boston, comme Lehane, Kenzie et Gennaro, son film arrive un peu à immerger le spectateur dans le mélange d'architectures, de quartiers, d'ambiances qui sont une partie forte de l'oeuvre de Lehane concernant la ville.
Son scénario est appauvri, simplifié (peut être considéra-t-il que le public américain ne serait pas capable de suivre tous les détails, les fioritures, les faux-semblants, la richesse de certains personnages secondaires) par rapport au livre. La grande erreur est certainement le rôle très secondaire, très suiviste d'Angela, en contradiction avec la femme-détective décrite dans les livres de Lehane et la modification radicale du personnage de Bubba réduit à un rôle de dealer en opposition complète avec ses opinions sur le sujet bien qu'il ne dédaigne pas se bourrer la gueule de temps en temps.
Quant à la direction d'acteurs, on sent que Ben Affleck a dû faire des compromis devant les anciens que sont Ed Harris et Morgan Freeman, ceux-ci jouant trop souvent en roue libre au contraire de la "jeune génération" incarnée par Casey Affleck et Michelle Monaghan et des seconds rôles.
Au total un film noir tout à fait regardable, en totale adéquation avec les canons hollywoodiens concernant la perméabilité du public, et là je suis très gentil. Ajoutons que Miramax a certainement mis son grain de sel dans le montage du film (Moi grand producteur! Toi réalisateur premier film!), ceci expliquant certainement la simplification excessive de l'intrigue originelle.
Les deux autres films concernant des romans de Lehane ne mettent pas en scène nos deux détectives privés.
Le premier est "Mystic River" édité par Rivages en France entre "Sacré" et "Gone, Baby, Gone", réalisé par Clint Eastwood.
Comme d'habitude (ou presque avec Clint) le respect de l'oeuvre est plus prononcé. Si la force émotionnelle contenue dans l'écriture se dilue un peu, ce n'est somme toute pas dommageable tant les acteurs choisis par le réalisateur se mettent au diapason des descriptions issues du livre. Quelques détails narratifs sont simplifiés sans qu'on y perde au change, évitant la surcharge de dialogues explicatifs qui auraient pu paraitre roboratifs à l'écran.
A l'arrivée un film qui a plu à beaucoup de monde et a été un succès d'estime sans pour autant avoir été un blockbuster.
Pour "Shutter Island", changement radical car si Scorsese peut paraître plus "grand réalisateur" qu'Eastwood, le sujet même du livre est plus dangereux, plus casse-gueule à porter à l'écran. Car Lehane parle de ce livre non pas comme d'un roman noir mais comme d'un "shocker", une histoire de fausses pistes débouchant sur un "twist" final complètement inattendu. Un Lehane qui, contrairement aux adaptations précédentes, s'investit plus dans ce film en tant que producteur exécutif, laissant néanmoins le soin à une scénariste de retravailler le matériau initial avec une certaine réussite en tout cas.
Le casting haut de gamme de Scorsese allié à un sens de l'image, du rythme inhérent à ce type d'histoire signe le succès de "Shutter Island", soutenu il est vrai par une promotion massive.
Un film qui permet à Leonardo di Caprio de confirmer qu'il peut aborder des rôles plus "mûrs" que ceux auxquels il était cantonné jusque là.
Nota: si dans le film il n'est pas fait allusion (ou si peu) à la ville de Boston, le roman situe cette île au large de Boston et la rencontre du personnage principal avec sa future épouse se passe dans cette ville.

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