mercredi 18 août 2010

Le Banjo

Le banjo moderne


Un autre blackface minstrel va se révéler, non seulement d'un point de vue artistique mais également technique, une figure charnière capitale de l'histoire de l'instrument.


Joel Walker Sweeney (1810-1860) né à Appomatox va solidifier le cerclage en bois pour rendre le banjo plus fiable, moins fragile à transporter. Il impose un accord qui est encore majoritairement utilisé de nos jours pour les banjos 5 cordes et standardise la longueur des manches, aidé en cela par le facteur de banjos William Esperance Boucher. Quant à sa soi-disante "invention " de la 5e corde (la chanterelle plus courte) elle est battue en brèche par le "créole bania" de Guyane. Mais Joel Sweeney est un "banjo-king" dont le spectacle blackface connait un énorme succès qui le conduira en Angleterre pour jouer devant la reine Victoria, Sweeney ayant remplacé Bill Whitlock au sein des Virginia Minstrels.


Le banjo connait un tel succès en Angleterre que le Prince de Galles, futur Edouard VII, deviendra un bon pratiquant de l'instrument, instaurant de ce fait une mode durable et une industrie de fabriques de banjos ( John Grey and Sons, Clifford Essex). Malgré son succès public, le banjo reste dans l'inconscient collectif l'instrument favori des noirs alors qu'on dénombre plus de joueurs de fiddle que de banjo. Et donc, l'à-priori défavorable touche à la fois les groupes bien-pensants blancs (chrétiens traditionnalistes, Puritains) et les groupes noirs revendicatifs (Frederic Douglas au XIXème, Langston Hughes au XXème) en ce qui concerne l'amalgame du noir jouant du banjo, instrument du diable pour les uns et cliché raciste pour les autres.

Outre quelques oeuvres qui se veulent classiques mais dédiées au banjo telles que "the banjo, grotesque fantasie" écrite et publiée en 1855 par Louis Moreau Gottschalk, né d'un père anglais émigré en Louisiane où il épouse une créole originaire d'Haiti (si c'est pas du melting-pot, ça!), précédée par Anthony Philip Heinrich en 1820 avec le très laconique "the banjo" ou encore "the banjo: imitation of an inimitable instrument" en 1863 par H. C. Harris, c'est encore, en cette deuxième partie du XIXe, aux minstrels que le banjo doit sa pérennité.


Stephen Collins Foster, auteur de "Swanee River" chanson parmi les dix plus enregistées de tous les temps," Campton Races"(hymne de la campagne électorale d'Abraham Lincoln en 1860) joue un peu de banjo et compose donc pour cet instrument un grand nombre de chansons. "Swanee River" est également un long métrage d'Hollywood sorti en 1939 avec Al Jolson dans le role de E. P. Christy (voir à ménestrel). James Bland, noir blackface et joueur de banjo sera aussi une figue des minstrels shows d'après la guerre de secession.


Mais pour que des artistes puissent se produire sur scène, il leur faut un instrument et donc des fabricants.


William Esperance Boucher, originaire d'Allemagne, est facteur de percussions à Baltimore avant de se lancer dans le perfectionnement des "gourd-banjos"(banjo-calebasse au dos arrondi) en banjos modernes (à dos plat). Boucher, qui malgré toutes ses améliorations techniques ne déposa pas de brevets, sera tout de même jusqu'à la fin de sa vie à la tête d'une entreprise d'instruments de musique prospère et lucrative.


James Ashborn, natif d'Angleterre, adopte une approche plus "industrielle" liée à son savoir-faire en métallurgie; il fabrique des guitares, des banjos en améliorant les matériaux et les systèmes d'assemblage, de tension, installant des frettes sur le manche, chose assez rare pour l'époque.

Il faut également citer les frères Dobson. Henry et Charles sont natifs de New-York et deviennent des virtuoses de l'instrument, délivrant des cours et se lançant dans la fabrication de banjos, imposant l'implantation des frettes et surtout du fond de caisse appelé résonnateur, ce qui permet au son d'être légèrement amplifié et surtout aux femmes de commencer à jouer sans que leur robe se prennent dans les ecrous de tension de la peau.

Samuel Swaim Stewart sera plus un théoricien doublé d'un esprit commercial redoutable, visant à sortir le banjo de son "ghetto" minstrel pour le faire rentrer dans les salons de musique (parlours) de la haute société grâce à ses brochures promotionnelles, ses catalogues, ses méthodes d'utilisation et de construction sans oublier ses notes historiques sur l'instrument ainsi que son journal mensuel puis bimensuel le "S.S.Stewart banjo and guitar journal". Il créera en 1878 sa manufacture de banjos à Philadelphie.

A Boston, l'excellence sera de mise dans la ville fondatrice de l'ordre puritain du nouveau monde où environ une trentaine de facteurs créent des banjos dont certains sont encore utilisés de nos jours.

Elias Howe, l'auteur de la première méthode de banjo, sous-traite la fabrication de ses produits mais sa gamme permet de satisfaire toutes les bourses, des plus démunies aux plus garnies, avec un pic de vente durant les "roaring twenties" (1920-1930) où ses instruments dominent le marché.

Citons également pour Boston Lincoln B. Gatcomb, William A. Cole (élève de Georges C. Dobson) ainsi que John C. Haynes.

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