Le banjo en cette fin de XIXe siècle croise la route du jazz naissant par l'intermédiaire du ragtime. Scott Joplin dont la maman esclave jouait du banjo compose Le ragtime entre tous et aussi le plus connu "Maple Leaf Ragtime" en 1897, la même année que l' "Alabama Ragtime" écrit pour banjo.
Mais le piano sonne mal dans les cornets d'enregistrements de l'époque et on préfère les ragtimes joués par des military bands ( assemblage d'instruments propres aux fanfares militaires) car ils rendent mieux sur disque. Cela fait également les choux gras de Van Epps, Vess Ossman et autres gratteurs de banjo.
D'autres influences vont agir sur la musique codifiée telle que nous la connaissons car pour les artistes précités dans ce chapitre il s'agissait principalement, géographiquement parlant, de grosses cités urbaines du Nord-Est des Etats-Unis.
Si le creuset musical des des Appalaches est reconnu comme tel aujourd'hui, c'est grâce à ces immigrants débarqués quelques siècles plus tôt, principalement les celtes écossais et irlandais venus d'Europe pour faire "fortune", s'installant au milieu d'une nature hostile et d'indigènes qui ne l'étaient pas moins. Ramenant les instruments de leurs contrées d'origine (accordéon pour les Allemands, violon pour les Irlandais et guitare pour les Espagnols dans le Sud-Ouest) ils se trouvèrent confrontés à cet instrument bizarre qu'est le banjo. Mais loin des villes ils fabriquaient eux-même avec les moyens du bord ces banjos aux formes non conventionnelles.
Cela débouchera sur une tradition dite de musique Appalachienne qui donnera bien plus tard naissance dans le XXème siècle au bluegrass.
Certains purent pratiquer leur musique de façon plus professionnelle, amenant comme Bill Monroe la tradition musicale séculaire et la nouveauté à travers le bluegrass. Monroe avait appris le banjo mais jouait plus volontiers et plus souvent de la mandoline avec ses frères Charlie et Birch dans les Monroe Brothers. Une fois la séparation effective avec Charlie qui affectionnait un style plus honky-tonk Texas swing, Bill Monroe crée les Bluegrass Boys et embauchera un banjoiste devenu fameux par la suite, Earl Scruggs.
Mais il y eut avant eux quelques songsters, musiciens itinérants, qui, par la gràce de quelques musicologues, furent sauvés de l'oubli et enregistrés pour l'éternité et pour plusieurs vagues du folk-boom, folk revival dans les années 50-60. Ces songsters, blancs pour la plupart, ont cotoyés et appris au contact des noirs la pratique du banjo.
Dock Boggs, né Moran Lee Boggs en 1898, travaille au fond des mines au contact des noirs et apprend le style plutot blues. Sa timidité lui fera enregistrer très peu de morceaux à la fin des années 20 puis raccrocher son banjo pour reprendre son boulot de mineur jusqu'à sa retraite et sa redécouverte dans les années 60 grâce au folk revival.
Clarence Earl McCurry dit Clarence Ashley commence sa carrière dès l'âge de treize ans, jouant dans des medicine shows ou dans différents groupes dans les années 20 dont les fameux Carolina Tar Heels. Il enregistre sa version de "the House of the Rising Sun", "Greenback Dollar" mais la crise économique de 1929 l'oblige à travailler à la mine d'où il ne sort que pour graver quelques disques tels que "the Cuckoo Bird" (repris par Janis Joplin dans les sixties) ou "the House Carpenter".
Sam et Kirk McGee, Buell Kazee, Doc Watson et Frank Profit ainsi que d'autres songsters font partie de cette branche de banjoistes traditionnels. Frank Profit est l'adaptateur sinon le créateur du morceau "Tom Dooley" qui permettra au Kingston Trio de se faire des couilles en or dans les années 60 (les Compagnons de la Chanson ont egalement enregistré leur version de ce morceau).
Parmi les précurseurs du bluegrass Charlie Poole a une vie rock and roll, meurt en 1931 à l'age de 39 ans d'une crise cardiaque consécutive à un usage immodéré d'alcool mais contribue à installer le banjoiste comme musicien sérieux et partie prenante d'un groupe au contraire des clichés encore tenaces attachés aux minstrels shows et autres medicine shows. Dewitt "Snuffy" Jenkins sera l'idole d'Earl Scuggs et l'initiateur comme Smith Hammett un peu avant lui de la technique du "Picking" à trois doigts (pouce, index et majeur) aidé par des onglets métal puis buis, corne ou plastique.
Mais d'autres, tout en pratiquant avec dextérité leur instrument, resteront dans la tradition minstrel d'amuseur public. Uncle Dave Macon né David Harrison Macon en 1870 est de la partie et profite de l'essor du vaudeville et de la radio en 1920. Il enregistre 3Hillbilly Blues" en 1924 et se retrouve crédité inventeur du terme Hillbilly. Ernest van "Pop" Stoneman enregistre "the Sinking of the Titanic" en 1924 qui se vend à 1 million d'exemplaires. "Grandpa" Jones popularise la caricature du péquenot du Sud, jous avec les Brown Ferry Four (avec Milton Brown et les Delmore Brothers) pour leurs shows radiophoniques.
Le banjo sera bien entendu associé au bluegrass quand Bill Monroe embauche Earl Scruggs dans ses Bluegrass Boys en 1945, groupe que Scruggs quittera en 1948 pour fonder les Foggy Mountains Boys avec son pote guitariste Lester Flatts. Jusqu'à leur séparation en 1969 c'est un gros succès pour eux grace au Newport Folk Festival, au Grand Ole Opry et des émissions de télévision comme "the Beverly Hillbillies show" ou "Saturday Night Barn Dance". Ils jouent sur la bande originale du film "Bonnie and Clyde" d'Arthur Penn.
D'autres banjoistes passés par les Bluegrass Boys de Bill Monroe connaitront un certain succès tels que Tony Ellis ou Donald Wesley Reno dit Dan Reno, connu pour le morceau "Feuding Banjos" enregistré en 1955 avec Arthur "Guitar Boogie" Smith, morcau de bravoure du film "Delivrance" de John Boorman qui les fera batailler en justice avec Warner Bros pour récupérer les droits du morceau et surtout les royalties qui vont avec, la version du film étant néanmoins interprêtée par Eric Weissberg au banjo et Steve Mandell à la guitare.
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