New Muleskinner Blues
Bill
Monroe et les
Blue Grass Boys débarquent à
Nashville pour enregistrer au
Castle Studios, un ancien restaurant du
Tulane Hotel reconverti en studio d'enregistrement fixe, ce qui en fait l'un des premiers en tant que tel. Ce studio est utilisé en majeure partie par le label
Decca chez qui Bill
Monroe a signé après avoir largué
Columbia CBS. Un contrat assez facilement négocié par les deux parties car Paul
Cohen qui voulait faire de
Nashville l'épicentre de la country
music avait depuis un certain temps
Monroe dans son viseur.
Seul
Rudy Lyle, banjoïste, suit
Monroe chez
Decca pour ces premiers enregistrements mais les nouveaux recrutés ne sont pas des seconds couteaux:
James Henry Martin, plus connu sous le nom de
Jimmy Martin, tient la guitare et va se révéler très bon chanteur,
Jimmy Martin dont les parents étaient si pauvres qu'ils ne pouvaient se payer un poste radio. Ce natif de
Sneedville dans le
Tennessee sortait le samedi soir en ville et hélait les conducteurs de voiture pour qu'ils branchent leur autoradio sur la fréquence qui retransmettait le Grand
Ole Opry afin qu'il puisse écouter Bill
Monroe.
Vassar Clements, violoniste virtuose mais également joueur de violoncelle et de mandoline fera aussi partie du nouveau groupe requis pour enregistrer cette première session pour
Decca où ces
Blue Grass Boys vont sortir sept titres dont l'un des morceaux les plus fameux ( et beaucoup repris) de
jimmie Rodgers: le "
Blue Yodel#8" sous-titré "
Muleskinner Blues".
Outre ce titre figurent deux morceaux écrits par
Hank Williams: "
I'm Blue,
I'm Lonesome" et "
Alabama Waltz". mais si le deuxième titre est crédité à Williams, le premier, "
I'm Blue,
I'm Lonesome" a été écrit par Williams en 1949 alors que
Monroe et lui tournaient ensemble, ce qui fit dire à Bill qu'ils avaient
co-écrit le morceau alors que d'autres témoignages directs font état d'un
Hank Williams chantant le titre à Bill avant de le laisser l'interpréter.
Bill
Monroe va s'approprier un autre titre, hommage à celui qui l'a beaucoup aidé dès son plus jeune âge. lors de la deuxième session d'enregistrement pour
Decca à
Nashville, trois faces seront gravées dont "
The O
ld Fiddler" écrit et composé par
Hugh Ashley et Ira Wright, "U
ncle P
en" composé par le violoniste
Red Taylor sur lequel Bill écrit ce qui est un hommage évident rendu à son oncle, mais les crédits du disque ne mentionneront aucunement R
ed Taylor.
Malheureusement pour Paul
Cohen, le producteur artistique chez
Decca, les ventes ne seront pas à la hauteur des
hits que
Monroe a pu réaliser à la fin des années 40 alors qu'il était chez
Columbia, quoique du fait du genre très spécifique de musique que jouait
Monroe ces succès restaient néanmoins confinés à une frange relativement étroite de consommateurs de disques.
Aidé par Owen
Bradley, autre producteur qui est l'un des créateurs du "
Nashville Sound", country édulcorée pour plaire au plus grand nombre qui règne encore en maître de nos jours pour le plus grand malheur des vrais talents artistiques du genre, ils vont persuader M
onroe de se mettre au
goùt du jour, expérimentant au fil des sessions des
intruments tels que le vibraphone, la batterie, l'orgue ou la guitare électrique, mettant en boite plusieurs titres de
Jimmie Rodgers dont le
revival à travers d'autres artistes comme
Hank Snow ou
Lefty Frizell faisait vendre.
Mais ces expérimentations ne sont rien en comparaison de deux accidents de la route qui vont avoir des conséquences plus ou moins graves pour la carrière de Bill
Monroe.
Oubliant la rivalité artistique, et commerciale, passée,
Monroe avait fait quelques dates avec les
Stanley Brothers et avait réussi à les engager dans son groupe. Malheureusement,
Ralph Stanley, impliqué dans une collision frontale avec une autre voiture, se retrouve cloué dans un fauteuil roulant pour plusieurs mois. L'association
Monroe-Stanley capote avant d'avoir commencé.
En janvier 1953, Bill
Monroe et son bassiste
Bessie Lee Mauldin reviennent de la chasse au renard, un des passe-temps favori de
Monroe, quand à trois heures du matin un véhicule les percute. Si
Bessie Lee s'en tire sans trop de dommages, Bill est plus
sérieusement touché. On dénombrera 19 fractures qui le laisseront couché à l'hôpital pendant trois mois.
Les années 50 pour Bill
Monroe seront la décennie d'une popularité toujours présente bien qu'en baisse au niveau des ventes de disques et des contrats de tournées, obligeant ses musiciens à travailler dans la ferme des
Monroe pour faire un peu de monnaie en attendant le prochain cachet.
Ses
ex-musiciens Lester
Flatt et
Earl Scruggs sont alors plus populaires que leur ancien patron avec leur
Foggy Mountain Boys mais l'arrivée dans le paysage musical d'un jeune loup dont les premiers
enregistrements sont des reprises de morceaux qu'il aime bien va changer la donne pour Bill.
La
version de "
Blue Moon of Kentucky" d'un certain
Elvis Presley, bien que jouée sur un tempo plus rapide, va
connaitre un certain succès et garantir un apport non négligeable de royalties à leur auteur, un certain Bill
Monroe.